Le professeur Roubaud (1877-1951) à Louis-le-Grand, la khâgne des années folles (II)

Partie I

8. Le Graal normalien

Que l’on se représente en effet cette longue série d’épreuves qui ressemble à un véritable marathon de l’esprit. Chaque année, au début du mois de juin, les courageux candidats de la section lettre vont se succéder pendant près d’une semaine dans la salle des fêtes de Louis-le-Grand, transformée pour l’occasion en salle d’examen. Ils vont y enchaîner : une composition française de 6 heures (coefficient 3), un thème latin de 4 heures (coefficient 2), une version latine de 4 heures (coefficient 2), une composition de philosophie de 6 heures (coefficient 3), une composition d’histoire de 6 heures (coefficient 3). Et cela uniquement pour le tronc commun. Pour la spécialité, selon qu’ils auront choisi la section A (latin-grec), B (latin-langue) ou C (latin-science), ils auront le choix entre une version grecque de 4 heures (coefficient 3), une composition de langue étrangère (allemand, italien, anglais, espagnol, russe ou arabe) de 6 heures (coefficient 3) ou bien une composition de mathématique et de physique de 6 heures (coefficient 3).

Un mois plus tard, vers la mi-juillet, lorsque la liste des admissibles sera officiellement publiée, les plus chanceux vont devoir se préparer aux fameux oraux. Il y en aura six. Cinq seront pour le tronc commun, à savoir, une explication d’un texte français, une explication d’un texte latin, une interrogation de philosophie, une interrogation sur l’histoire moderne et une explication d’un texte de langue vivante étrangère. Quant à l’oral de spécialité, il pourra porter au choix sur une explication d’un texte grec suivie d’une interrogation sur l’histoire gréco-romaine, une explication d’un texte dans une langue étrangère (la même que celle choisie à l’écrit), ou bien une interrogation sur les sciences naturelles ou la physique. Et les attentes des jurys sont à la hauteur de la difficulté des épreuves1. Les atouts requis pour surmonter ces difficultés sont les mêmes qu’aujourd’hui : une très forte capacité de travail, de l’intérêt et de la curiosité pour les matières enseignées, beaucoup de rigueur dans l’organisation, une solide intuition, un bon esprit de synthèse, une excellente faculté d’apprentissage, une solide mémoire et une remarquable capacité de résistance au stress.

Roubaud, malgré sa rigueur apparente, sait se montrer proche et attentif à l’égard de ses élèves. Il suit la progression de chacun d’entre eux, leur offre ses conseils et les encourage. Et la méthode ludovicienne fonctionne. Entre 1921 et 1940, sur les 575 élèves admis à l’École Normale supérieure, 235 seront passés par les classes préparatoires de Louis-le-Grand (contre 131 pour Henri-IV, 57 pour la khâgne du Parc à Lyon et 28 pour celle du lycée Condorcet). Plusieurs seront même « caciques », c’est-à-dire qu’ils auront été reçus à la première place du concours.

Les Normaliens, espèce rare et enviée, vont pouvoir habiter rue d’Ulm pendant environ trois à quatre ans. Ils y auront des chambrées attitrées (« thurnes ») et bénéficieront d’un salaire et du statut de fonctionnaire d’État. Depuis le rattachement de leur école à La Sorbonne en 1903, ils ont l’obligation d’aller suivre les cours à la faculté de lettres où ils vont passer successivement leur licence, leur diplôme d’études supérieures et enfin leur agrégation. Bénéficiant de conditions de travail idéales et très libres (surtout par rapport à leurs anciens lycées), ils auront en outre l’immense chance de pouvoir bénéficier de l’aide d’anciens élèves agrégés devenus répétiteurs (les « caïmans »). Une fois leur agrégation en poche, beaucoup partiront préparer une thèse de doctorat à l’École de Rome ou d’Athènes, ou bien encore à la fondation Thiers. Après quoi, ils obtiendront un poste de professeur d’université. Un certain nombre cependant choisiront de ne pas suivre ce cursus honorum des plus classiques et préféreront s’évader plus ou moins rapidement vers le monde des lettres, des arts ou de la politique.

9. Une influence discrète mais déterminante

De ses ancêtres provençaux, Alphonse Roubaud a hérité ses cheveux bruns et ses yeux noirs. De taille moyenne (1,65), la moustache fournie, toujours élégant, la parole rare, il est d’une courtoisie un peu mélancolique. Rares sont ceux qui le savent, mais il est vrai qu’aux terribles souvenirs de la guerre sont venus s’ajouter une longue série de deuils qui ont fait de lui un homme seul2. Son épouse Madeleine et lui n’ont jamais eu d’enfant. Qu’il se fût agi d’un choix personnel ou d’un coup du sort, comment ne pas songer qu’il a dû ressentir cette situation avec une acuité particulière, lui qui a évolué durant la plus grande partie de sa vie au milieu de jeunes gens qui auraient eu l’âge d’être ses fils.

Contrairement à plusieurs de ses confrères, le professeur Roubaud va ainsi demeurer toute sa vie un homme des plus discrets, presque effacé. En somme, il est l’antithèse exacte d’Émile Chartier (1868-1951), qui anime au même moment la classe de philosophie de l’école préparatoire du lycée Henri-IV et qui est considéré par une bonne partie de ses étudiants comme un mentor, si ne n’est comme un véritable gourou. Non, en ce qui le concerne, Alphonse Roubaud, n’aura jamais eu d’autre prétention que celle d’enseigner à ses élèves le programme d’histoire du secondaire afin qu’ils se préparent au mieux à passer et bien sûr à réussir les dures épreuves qui les attendent.

La liste des anciens élèves de Roubaud est pour le moins impressionnante et constitue un véritable Parnasse. Pour ne citer que les plus fameux, on y retrouve en effet les journalistes et militants Pierre Brossolette et Robert Brasillach, les philosophes Maurice de Gandillac, Vladimir Jankélévitch, Jean-Paul Sartre3, Jean Cavaillès, Raymond Polin et Maurice Merleau-Ponty, les hommes de lettres Paul Nizan, Roger Ikor, Aimé Césaire, Pierre-Henri Simon, Henri Queffélec, Maurice Bardèche, Roger Vailland, Robert Merle et Thierry Maulnier (de son vrai nom Jacques Louis Talagrand), le secrétaire général de l’UNESCO René Maheu, le sociologue Georges Friedmann, le sinologue et professeur de lettres René Etiemble, le géographe Maurice Le Lannou, les hommes d’État Georges Pompidou et Léopold Sedar-Senghor, etc. On y remarque aussi quantité d’universitaires et de hauts fonctionnaires.

Parmi les historiens, qu’il suffise de citer ici les noms d’Henri Laoust (1905-1983), Jean Meuvret (1901-1971), Édouard Perroy (1901-1974), Michel Fourniol (1903-1992), Georges Lefranc (1904-1985), Henri Fréville (1905-1987), Fernand L’Huillier (1905-1987), Roger Portal (1906-1994), Pierre Vilar (1906-2003), Marcel Simon (1907-1986), Marcel Launey (1907-1951), Jacques Droz (1908-1998), Jean Sainte Fare Garnot (1908-1963), Jean Bérard (1908-1957), Jean Maitron (1910-1987), Louis Girard (1911-2003), Roger Arnaldez (1911-2006), André Chastel (1912-1990), Pierre Grimal (1912-1996), Pierre Courcelle (1912-1980), Jacqueline de Romilly (1913-2010), Jean-Pierre Vernant (1914-2007), Louis Harmand (1918-1992), etc. Qu’ils soient ensuite devenus médiévistes, modernistes, hellénistes, égyptologues, islamologues, archéologues, spécialistes du monde ouvrier ou slavisants, ils ont tous étudié un jour dans les classes de Monsieur Roubaud et tous, à des degrés divers, en auront sans aucun doute été marqués.

En somme, c’est donc une part notable de l’élite française des années 1940 à 1980 qui aura assisté un jour aux cours de ce professeur. A toute cette génération, ce dernier a essayé de donner, si ce n’est de l’intérêt pour l’histoire, du moins une vaste culture historique. Une culture toute classique d’ailleurs, que certains voudront ensuite pourfendre en la qualifiant de « bourgeoise », tandis que d’autres la défendront contre vent et marais parce qu’elle leur semblait être l’attribut d’un véritable honnête homme. Mais comme le fera très justement remarquer Robert Brasillach dans Notre avant-guerre en 1939, Alphonse Roubaud a surtout su leur donner le respect de la fameuse « méthode », cette méthode qui a longtemps fait l’honneur de la tradition cartésienne française et qui consiste à bien savoir diviser son raisonnement, à pouvoir ensuite développer ses arguments en les enchaînant d’une façon logique et précise, tout en n’usant que des termes les plus clairs et les plus appropriés.

10. Un maître bien installé

Mais bien qu’il s’honore de sa discrétion, le professeur Roubaud n’en est pas moins une personnalité respectée de ses pairs et de sa hiérarchie. Membre fondateur de la Société des professeurs d’histoire et de géographie de l’enseignement secondaire public (SPHG)4 et de la Société des agrégés de l’enseignement secondaire, il appartient aussi, depuis décembre 1911, à l’influent Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire (SPES). A ce titre, il participe de très près à l’élaboration des programmes scolaires du secondaire5 (car ces différents organismes bénéficient d’une représentation au sein du Conseil supérieur de l’instruction publique). Que ce soit lors des assemblées générales ou à l’occasion des enquêtes internes menées par les institutions dont il est membre, il arrive fréquemment au professeur d’avoir à se prononcer sur des questions aussi diverses que l’organisation du baccalauréat, de la licence ou des concours d’entrée aux grandes écoles, les horaires pratiqués dans les lycées, le statut des agrégés, le recrutement des enseignants, les dotations allouées aux bibliothèques, etc.

Alphonse Roubaud est devenu officier d’académie le 31 juillet 1910, puis officier de l’Instruction publique le 4 septembre 1920. Le 30 décembre 1933, sur la proposition d’Anatole de Monzie (1876-1947), alors ministre de l’Éducation nationale, il a été élevé au grade de chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. Autrement dit, il a complété toute la série des récompenses qu’un enseignant bien noté et en fin de carrière est en droit d’attendre. Professeur agrégé hors-classe depuis janvier 19376, il touche alors près de 5 000 francs de salaire mensuel net, ce qui le met à peu près au même niveau qu’un officier et représente deux à trois fois le salaire d’un ouvrier spécialisé7. A moins d’obtenir un poste à l’université ou à l’inspection générale (mais les souhaite-t-il ?), il sait qu’il n’a plus rien à attendre.

Mais ce qui lui fait le plus plaisir, c’est la reconnaissance de ses anciens élèves. En 1938 (?), alors que ceux-ci ont décidé de lui offrir un cadeau afin d’honorer son travail, ils apprennent  qu’il serait très heureux de pouvoir posséder un exemplaire des Documents diplomatiques sur la guerre de 1914. Une souscription est alors lancée pour réunir la somme nécessaire. Or, non seulement les dons vont rapidement affluer de la France tout entière mais ils arriveront aussi du reste du monde, preuve s’il en est de l’estime dans laquelle le tiennent ses anciens élèves, mais aussi du rayonnement qu’il a déjà atteint.

11. Une nouvelle ère

Mais alors qu’une sévère crise économique commence à toucher la France à partir de 1931, que la montée du fascisme vient tendre la situation internationale et que ses élèves se montrent de plus en plus politisés et fébriles, Roubaud sent bien qu’une nouvelle époque est en train de naître. L’ère des austères professeurs et de leurs élèves silencieux et obéissants qui, à vingt ans, ressemblaient déjà à de vieux messieurs, semble bien révolue. La fièvre des événements extérieurs a commencé à toucher les jeunes générations. Et tandis que certains militent aux Jeunesses socialistes et se passionnent pour la guerre d’Espagne, d’autres les affrontent en se revendiquant ouvertement des positions de l’Action française. Les professeurs eux-mêmes ont changé. A l’apolitisme des anciens, ils opposent désormais un engagement qui les emmènera parfois sur des chemins plein d’embûches. Dans les années 1930, Alphonse Roubaud pourra aussi croiser dans les couloirs de Louis-le-Grand un certain Marcel Déat, alors professeur de philosophie, ainsi qu’un certain Georges Bidault, alors professeur d’histoire, deux hommes très brillants qui connaîtront des destins à la fois contraires et en fin de compte assez semblables.

L’institution scolaire elle-même est en train de subir des évolutions majeures. D’un peu partout des voix s’élèvent en effet pour critiquer le surmenage des élèves, le « bourrage de crâne » qu’on leur fait subir, l’encyclopédisme des programmes et le corporatisme des enseignants. Nommé à la tête de l’Éducation nationale par le Front populaire en juin 1936, le ministre Jean Zay va multiplier les réformes et s’opposer frontalement au conservatisme de ces professeurs dont Alphonse Roubaud apparaît comme le vivant symbole.

Mais il y a peut-être encore plus grave pour Alphonse Roubaud. Grand lecteur, ce dernier s’est toujours tenu informé de l’évolution des débats historiographiques. Il sait donc bien qu’une nouvelle génération d’historiens est en train d’émerger qui n’a pas de mots assez durs pour brocarder les conceptions de ses aînés. Ils s’en prennent à ce qu’ils appellent « l’histoire-bataille », c’est-à-dire à cette approche qui, selon eux, avantage le fait politique et les grands destins au détriment des faits économiques, qui valorise la chronologie courte des événements au détriment du temps long des structures sociales, qui survalorise l’Occident et méprise le reste du monde. Ils dénigrent cette approche souvent moralisante et patriotique (et même parfois belliciste), qui n’a plus de sens pour eux après la tragédie de la Grande guerre. Autrement dit, c’est toute la vision défendue par Roubaud dans son amphithéâtre ludovicien qui se voit ici éreintée et dévalorisée. Ces nouveaux maîtres, fortement marqués par l’apport de la sociologie (et par l’approche marxiste), ont pour nom Lucien Febvre (1878-1956), Marc Bloch (1886-1944) ou Ernest Labrousse (1895-1988). En 1929, les deux premiers vont fonder la revue des Annales afin de mieux promouvoir leur vision de l’histoire.

Rattrapé par l’âge et atteint de problèmes cardiaques, Alphonse Roubaud a aussi de plus en plus de difficultés à passionner son auditoire de jeunes khâgneux. Il lui arrive ainsi de plus en plus souvent de s’embrouiller dans ses notes ou de commettre des lapsus, ce qui lui vaut à chaque fois des sourires amusés et même parfois des railleries de ses élèves, qui l’ont surnommé « Roubal ».

12. Les dernières années

En fin de compte, après avoir consacré tant d’années de sa vie à l’enseignement secondaire, Alphonse Roubaud finit par demander à faire valoir ses droits à la retraite en juin 1937. Une confusion administrative à propos de la durée de son service pendant le dernier conflit va cependant repousser d’un an l’exaucement de ce vœu et ce n’est que le 30 juin 1938 qu’il pourra prendre définitivement congé. Il sera remplacé à son poste par l’excellent Marcel Reinhard (1899-1973)8. Le 30 janvier 1939, en récompense de ses mérites, Alphonse Roubaud est promu à l’honorariat.

C’est dans le centre historique de Lyon, une ville où il avait semble-t-il gardé de nombreux liens, qu’il a décidé de s’installer pour y jouir d’un repos bien mérité. Il va donc emménager dans bel un immeuble Art-déco situé au 18 rue Barrème, au cœur du très chic 6ème arrondissement, non loin du parc de la Tête-d’Or.

Ayant été trop occupé par la préparation de ses cours et la correction des copies de ses (très) nombreux élèves, Alphonse Roubaud n’avait presque rien écrit pendant tout le temps de son professorat, hormis un manuel scolaire9 et quelques articles pour le Bulletin mensuel de la Société d’histoire moderne10 et la Revue de métaphysique et de morale. Une fois dispensé de ses obligations professionnelles, il va donc enfin pouvoir s’atteler à faire œuvre d’historien et de chercheur. Il publiera par exemple une analyse sur les élections de 1843 et 1846 dans l’un des numéros de la Revue historique (juin – juill. 1939) et se consacrera surtout à la rédaction d’un ouvrage d’histoire diplomatique. Ce travail, achevé dès 1940, ne sera finalement publié chez Armand Collin qu’en 1945 sous le titre La Paix armée et les relations internationales de 1871 à 191411.

C’est à Lyon que le vieux professeur va devoir affronter les terribles drames de la guerre. En septembre 1939, alors que la plupart des Français ont été mobilisés, il accepte de venir effectuer un remplacement en classe de Première supérieure au lycée de Caen. Ce sera sans doute sa dernière intervention professorale. Mais la Drôle de guerre s’achève dramatiquement en mai 1940, lorsque les panzers de Guderian tronçonnent les lignes françaises. Sans doute, comme tous les anciens combattants, Alphonse Roubaud sera-t-il particulièrement éprouvé de voir sa chère patrie occupée et l’honneur de ses compatriotes foulé aux pieds.

En arpentant les rues de Lyon pendant l’occupation, le vieux professeur a peut-être croisé sans le savoir Jean Moulin, Henri Frenay ou d’autres combattants de l’ombre, car tous ont séjourné plus ou moins longtemps dans cette cité qui sera plus tard surnommée et à juste titre la « capitale de la Résistance ». Parmi les anciens élèves de Roubaud, deux au moins deviendront de grandes et tragiques figures de cette lutte, Pierre Brossolette et Jean Cavaillès. Par leurs actes et leur sacrifice, ils ont bien illustré les vertus que leur professeur avait lui-même défendues durant toute sa carrière.

Alphonse Roubaud vivra au moins assez vieux pour assister à la libération du territoire national ainsi qu’au retour de la République. En 1949, on le voit encore assurer la seconde édition revue et corrigée de son ouvrage La Paix armée. Mais déjà ses forces commencent à le quitter. Alphonse Roubaud est mort à Lyon, le 15 janvier 1951, quelques jours avant son 74ème anniversaire12.

Parvenu à présent au terme de ce récit et en guise de conclusion, il ne nous reste plus qu’à formuler un vœu et à espérer qu’un jour, un édile bienveillant finira par donner le nom d’Alphonse Roubaud à quelque école de notre pays. Ce serait, à n’en pas douter, une belle manière de rendre hommage à ce sage et honnête professeur qui aura su éveiller et émerveiller tant de jeunes et brillants esprits en leur faisant découvrir le passé de leur pays.

Annexe 1 : les proviseurs de Louis-le-Grand depuis 1800

. 1800 – 1810 : Jean-François Champagne / 1810 – 1815 : Louis Joseph de Sermand / 1815 – 1819 : abbé Louis Gabriel Taillefer / 1819 – 1823 : François Christophe Malleval / 1823 – 1824 : Nicolas Berthot / 1824 – 1830 : Pierre Laurent Laborie / 1830 – 1845 : Jules Amable Pierrot-Deseilligny / 1845 – 1853 : Jacques Rinn / 1853 – 1856 : Jean-Baptiste Forneron / 1856 – 1864 : Jean Baptiste Antoine Jullien / 1864 – 1868 : Frédéric Jules Edmond Didier / 1868 – 1878 : Julien Girard / 1878 – 1892 : Charles Gidel / 1892 – 1895 : Désiré Blanchet / 1895 – 1909 : Alexandre Gazeau / 1909 – 1929 : Georges Ferté / 1929 – 1931 : Émile Frédéric Gustave Abry / 1931 – 1938 : Émile Berrod / 1938 – 1941 : Lucien Chattelun / 1941 – 1955 : Camille Gibelin / 1955 – 1968 : Raymond Schiltz / 1968 – 1969 : Albert Praud / 1969 – 1991 : Paul Deheuvels / 1991 – 1997 : Yves de Saint-Do / 1997 – 2012 : Joël Vallat / 2012 – 2015 : Michel Bouchaud / 2015 – … : Jean Bastianelli

Annexe 2 : inspecteurs généraux de l’instruction publique en charge de la section histoire au sein de l’enseignement secondaire (1914-1939)

. 1911 – 1935 : René Gallouédec (1864-1937) / 1912 – 1922 : Alfred Coville (1860-1942) / 1920 – 1936 : Charles Petit-Dutaillis (1868-1947) / 1916 – 1936 : Georges Pages (1867-1939) / 1922 – 1936 : Philippe Gidel (1886-1954) / 1935 – 1939 : Gustave Legaret (1875-1939) / 1936 – 1952 : Arthur Huby (1883-1952) / 1936 – 1940 : Jules Isaac (1877-1963)

Annexe 3 : recteurs de l’académie de Paris (1900-1939)

. 1879 – 1902 : Octave Gréard (1828-1904) / 1902 – 1917 : Louis Liard / 1917 – 1920 : Lucien Poincaré / 1920 – 1925 : Paul Appell / 1925 – 1927 : Paul Lapie / 1927 – 1937 : Sébastien Charléty / 1937 – 1940 : Gustave Roussy

Annexe 4 : directeurs généraux de l’enseignement secondaire

. 1889 – 1907 : Elie Rabier / 1907 – 1910 : Jules Gautier /  1910 – 1917 : Lucien Poincaré / … / 1924 – 1936 : Francisque Vial / 1937 – 1940 : Albert Châtelet

. Annexe 5 : quelques exemples de notation d’Alphonse Roubaud au cours de sa carrière professorale

«  Il m’eût été agréable de saluer dans sa classe le maître éminent a qui toute une génération de jeunes professeurs est redevable de sa formation historique et de ses succès et de joindre à mon hommage personnel à la reconnaissance de tous ceux que je trouve dans mes tournées de province et même à Paris et qui savent qu’ils doivent à son enseignement et à ses exemples le meilleur de leurs qualités. » (Gustave Legaret, 18 janvier 1937)

« Il s’agit moins d’inspecter Monsieur Roubaud que de lui porter devant ses élèves de première supérieure, un témoignage d’estime toute particulière pour la constance de son labeur, son effort magnifique, les résultats obtenus chaque année au concours de l’École normale. L’occasion m’est offerte d’entendre un cours sur la vie politique de l’Angleterre de 1867 à 1880, une leçon aussi remarquable par la solidité et l’étendue des connaissances que par la fermeté et l’autorité de la parole. Un maître d’un mérite éminent qui fait honneur à l’Université ! » (Philippe Gidel, 3 février 1936)

« Dans une classe de Première Vétéran surchargée d’élèves, au point que le contrôle individuel doit être très difficile, j’ai entendu Monsieur Roubaud, d’abord, terminer une leçon sur l’éducation des jeunes gens et des jeunes filles à Athènes, qui faisait partie d’une suite de cours sur la vie privée, Monsieur Roubaud a ensuite traité des funérailles et des croyances successives relatives à la destinée après la mort chez les Grecs. Puis il a interrogé quatre élèves sur la politique extérieure et les guerres révolutionnaires de 93-94. Il s’est efforcé, comme il convenait, d’éclairer la lanterne, et d’amener les élèves à distinguer les grands courants, les causes, les idées directrices. Nous sommes à la fin du deuxième trimestre. Une lourdeur de fatigue pèse visiblement sur ces jeunes gens, absorbés, tendus vers l’examen. Ils prévoient que les mieux notés seront ceux qui ont accumulé le plus de fiches. Le professeur a une tâche lourde et ingrate. On doit le remercier de s’y appliquer avec conscience. » (Charles Petit-Dutaillis, 21 mars 1934)

« Monsieur Roubaud doit l’autorité incontestée dont il jouit auprès de ses élèves de Première supérieure à ses connaissances, à son labeur, à son dévouement qui, depuis de longues années, n’a jamais été en défaut, de là les succès que sa classe remporte à chaque concours de l’École Normale. J’entends sur la dictature de César une leçon excellente, où les faits sont exposés et analysés de la façon la plus précise. Il ne m’aurait pas déplu cependant d’y [ajouter] un effort pour mieux faire comprendre la personnalité de César, marquer la place que son œuvre tient dans le développement de l’histoire romaine. Quelques phrases auraient suffi, Monsieur Roubaud se les est interdites. Je l’ai regretté, même si on ne connaît que trop la solidité et la probité de son enseignement. » (1932).

« Par son instance à garder à la fois les élèves de Première Vétérans et ceux de Première Supérieure, Monsieur Roubaud a bien montré combien l’histoire à ces yeux devait être une formation soigneusement poursuivie. Il a de son enseignement une très haute idée et n’est pas inférieur à l’idéal qu’il poursuit. La solidité vigoureuse et définitive de ses cours est de celles que n’oublient pas ses élèves. » (le proviseur, Gustave Haby, 15 janvier 1931).

« Classe de Première Supérieure : 70 élèves, dont 5 jeunes filles. L’art grec. Interrogations conduites avec méthode et fermeté. Les élèves savent dans l’ensemble et paraissent avoir compris les origines de l’art grec. La leçon vient ensuite sur l’art grec au Ve siècle. Monsieur Roubaud énumère les caractères principaux de l’architecture hellénique, dans ses différents ordres : dorique, ionique, corinthien. Il illustre son exposé de dessins schématiques faits au tableau. Il eût excellemment complété sa leçon en montrant à ses élèves des gravures bien choisies que la Bibliothèque d’Histoire du lycée Louis-le-Grand eût fournies en abondance. Monsieur Roubaud est un excellent Professeur, dont l’autorité est parfaitement établie. » (1927)

« Monsieur Roubaud a fait une classe d’histoire moderne aux élèves de 1ère A, B et C réunies (43 élèves). Il a terminé une leçon sur la société en 1789 (les artisans et les paysans), puis commencé une autre leçon sur les Etats-Généraux (les élections et les cahiers). Il y a donc encore chez lui quelque maladresse – peut-être est-elle exceptionnelle et il s’en est excusé – à organiser ses classes de manière à ce qu’elles forment toujours un tout. Mais, très loyalement, il n’a fait aucun effort pour dissimuler, alors qu’il lui eût été facile de présenter cette fin de leçon comme une leçon entière, en réservant pour la classe suivante l’étude des Etats-Généraux. Je lui avais demandé simplement de faire ce qu’il avait l’intention de faire, et il l’a fait. Le cours est nourri, clair, précis, au courant des derniers travaux qui ont renouvelé ces questions en partie, la parole est facile, ferme, nette, sans être froide. Monsieur Roubaud a naturellement de l’autorité sur ses élèves et l’attitude de la classe suffirait à le prouver. L’interrogation, qui fait intervenir un assez grand nombre d’élèves, a donné des résultats très satisfaisants. » (1912)

« En Cinquième, histoire. Récitation et exposé sur le règne de Philippe le Bel. L’impression est très bonne. Monsieur Roubaud, qui possède bien la matière de son enseignement, sait la présenter d’une manière intéressante et vivante ; la fermeté du ton n’exclut pas la bienveillance pour ses élèves qui prennent une part active à la classe et savent. Ce qui me paraît le plus caractéristique, c’est l’impression d’honnêteté et de conscience qui se dégage de la classe de Monsieur Roubaud ; on devine en lui un professeur qui, très simplement et tout naturellement, a beaucoup réfléchi sur son enseignement dans la pensée de le rendre meilleur, plus pénétrant et agissant. » (1908)

« De tenue modeste et d’apparence timide, mais de caractère et de volonté ferme. Monsieur Roubaud a presque toutes les qualités [qui font] un excellent professeur. Connaissances précises et larges, choix judicieux des faits, souci des idées générales, solidité du plan et clarté de la forme. Il ne manque guère à la leçon, bien conçue et [parfaitement] préparée, qu’un peu plus de relief et d’éclat. Les exercices et procédés dont il use, la façon de questionner, de corriger, de surveiller, d’entraîner ses élèves, de forcer les plus récalcitrants à prendre à la classe une part active, l’autorité réelle qu’il a su gagner par son action infatigable, dénotent un maître compétent, avisé, et très dévoué à la tâche. Il doit prendre garde de donner à la classe des sujets de devoir trop difficiles, et de les bien proportionner à la force de ses élèves, à la durée du temps dont ils disposent, aux ressources [qu’ils ont] entre leurs mains. Mais quelle tristesse de voir tant de bonne volonté et de mérite très mal secondés. Pas de bibliothèque, pas de cartes dans cette classe sombre, nue, qui est la classe de tout le monde ; c’est par une vielle carte de France par départements, rebuts ou reliquat d’un matériel suranné, que ce professeur doit faire son explication des faits historiques du XVIe siècle. Monsieur Roubaud est un professeur d’avenir » (Lyon, 1905).

Sources

Archives nationales :

. Dossier de carrière du ministère de l’Instruction publique : F/17/24698

. Dossier de carrière de l’académie de Paris (moins fourni) : AJ/16/1462

Archives municipales de Paris :

. D4 R1 938 : registre matricule d’Alphonse Roubaud (3ème bureau, n°1389, classe 1897)(consultable en ligne).

. 3507W 15 : archives de Louis-le-Grand, dossiers individuels des personnels (1896-1942)

. 3507W 26 : archives de Louis-le-Grand, procès-verbaux d’installation des personnels (1906-1931)

. . 3507W 189 : archives de Louis-le-Grand, relevés de note des classes de Première supérieure et de Première Vétéran pour l’année 1929-1930.

. 3507W 279 : archives de Louis-le-Grand, recueils d’articles sur les anciens élèves célèbres (1953-1964)

. 3507W 300 : archives de Louis-le-Grand, liste nominative d’installation des fonctionnaires (1892-1927)

. 3507W 313 : archives de Louis-le-Grand, liste des traitements (1932)

. 3507W 344 : archives de Louis-le-Grand, registre des gages (1932-1934)

. Dossier de Légion d’Honneur n°19800035/44/5411 (consultable en ligne sur la base Léonore)

. Archives du Temps (26 août 1901, 26 décembre 1934)(consultable en ligne sur Gallica).

Bibliographie :

. Appia, Henry & Garrigou, Marcel : Khâgne et après, lycée Louis-le-Grand (1934-1939), Arts et Formes, 1997.

. Brasillach, Robert : Notre avant-guerre, Plon, 1941.

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Notes :

1 Marc Bloch (1886-1944) et Lucien Febvre (1878-1956) ont été membres du jury d’histoire du concours d’entrée de l’ENS jusqu’en 1928.

2 En quelques années, il aura ainsi perdu son frère Henry (1910), l’un de ses neveux Jean (1917), ses parents Léontine (1918) et Ernest (1920), ses beaux-parents Jane-Marie (1920) et Louis (1924), ses sœurs Marthe (1913) et Marie (1922). Depuis 1934, il était considéré comme chargé de famille puisqu’il subvenait à ses neveux et nièces encore mineurs.

3 Après être passé par Montaigne puis Henri IV, Jean-Paul Sartre a suivi la classe de 1ère Vétéran à Louis-le-Grand en 1922-1923 et celle de 1ère Supérieure en 1923-1924. Admis à l’École normale supérieure en 1924, il y restera jusqu’en 1928. Il devint célèbre à partir de 1945 et régna sur les lettres françaises pendant plus d’une décennie. Alphonse Roubaud vécut donc assez longtemps pour être le témoin de la réussite de son ancien élève.

4 La SPHG a été fondée le 29 décembre 1910 lors d’une assemblée qui s’est tenue dans l’enceinte même de Louis-le-Grand. Elle eut longtemps pour président Monsieur Georges Morizet, qui travaillait à Louis-le-Grand aux côtés d’Alphonse Roubaud. Alors qu’elle ne comptait que 200 membres à sa fondation, elle en avait plus de 1 300 en 1935.

5 Et donc indirectement au déroulé des épreuves du concours d’entrée de l’École normale, puisque celles-ci sont justement le reflet des programmes d’histoire du secondaire.

6 Il avait commencé comme professeur de 6ème classe en 1901, avant d’être successivement promu aux 5ème (1905), 4ème (1914), 3ème (1918), 2ème (1928) et 1ère classes (1933). Il sera finalement nommé hors-classe à compter du 1er janvier 1937.

7 Son salaire annuel a suivi une progression presque constante au cours de son passage à Louis-le-Grand. Il était de 9 000 francs en 1919, 13 000 en 1920, 14 000 en 1921, 14 000 en 1922, 15 000 en 1923, 16 000 en 1924, 18 000 en 1925, 35 000 en 1927 (entre-temps est intervenue la dévaluation du franc), 35 000 en 1928, 41 000 en 1929, 47 000 en 1930, 52 000 de 1931 à 1935, 60 000 de 1936 à 1938.

8 Doctorant et spécialiste de la Révolution française, Marcel Reinhard a d’abord enseigné au Prytanée militaire de La Flèche. Il restera en place à Louis-le-Grand jusqu’à ce que les autorités de Vichy n’obtiennent son départ en septembre 1943. Réintégré à la Libération, il sera nommé professeur à l’université de Caen avant de recevoir la direction de la chaire d’histoire de la Révolution française à La Sorbonne. Il fut l’un des pionniers de la démographie historique.

9 Il s’agit de l’Histoire contemporaine jusqu’au milieu du XIXe siècle, co-écrit avec le professeur lyonnais Léon Lévy-Schneider (1867-1938) et publié en 1928 chez Armand Collin,

10 Notamment « Les troubles du recensement en France en 1841 » (n°28, 1914)

11 Il subira une dure critique de Lucien Febvre dans la revue des Annales (1946, vol. 1, n°3, pp. 282-284). Il faut avouer que l’ouvrage, uniquement consacré à la diplomatie et à la politique, ne faisait aucune place à la géographie, à l’histoire économique et encore moins culturelle.

12 Sa veuve, Madeline Adeline Honorine Boisard, est morte à Clamart le 21 janvier 1985.

Crédit photographique : le « bassin aux Ernest » de l’Ecole prétendument normale et dite supérieure (By Eunostos [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)%5D, from Wikimedia Commons).

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