Gabriel de Kerveguen, le « Rockefeller des tropiques » (I)

Grâce à un sens particulièrement aiguë des affaires, à une énorme capacité de travail mais aussi, c’est vrai, à une très faible conscience morale, un jeune créole réunionnais nommé Gabriel de Kerveguen parvint à développer la petite affaire commerciale que lui avait léguée son père jusqu’à en faire en quelques années l’un des plus vastes empires industriels de l’histoire coloniale française. A l’apogée de sa puissance, ce « Rockefeller des tropiques » posséda près d’un quart des surfaces agricoles de l’île, contrôla plusieurs dizaines d’usines et régna sur des milliers d’employés et d’esclaves. Tel un véritable souverain, il fut même en mesure de créer sa propre monnaie ! Après sa mort toutefois, sa société déclina peu à peu et finit par être liquidée avec pertes et fracas aux lendemains de la Première Guerre mondiale, au point qu’il n’en reste rien aujourd’hui. Ceux qui ne connaissent pas l’histoire de l’île de La Réunion seront sans doute un peu décontenancés en voyant s’égrainer dans cet article tant de noms de lieux inconnus d’eux. Quant aux autres, ils seront peut-être tout aussi étonnés d’apprendre que ces sites ont jadis appartenu à un seul homme, dont plus rien ou presque ne vient désormais rappeler le souvenir.

I. Un héritier talentueux

Louis-Marie-Gabriel Le Coat de Kerveguen1 est né à Saint-Pierre de La Réunion, le 19 ventôse de l’an VIII de la République, autrement dit le 10 mars de l’année 1800. Il est le fils aîné d’un commerçant breton, Denis-Marie-Fidèle Le Coat de Kerveguen (1776-1827) et de son épouse, la créole Angèle-Césarine Rivière (1777-1815).

La famille Le Coat de Kerveguen est d’origine léonarde. Son plus ancien représentant connu, Jean Le Coat, exerçait vers l’an 1500 l’activité de marchand de toiles et de draps à Saint-Renan, près de Brest. Au début du 18ème siècle, ses descendants abandonneront peu à peu leurs activités de négoce, si bien qu’on les retrouvera bientôt installés comme avocats et notaires dans la cité brestoise. En quête de respectabilité, ils achèteront des terres et feront dès lors précéder leur nom d’une particule. Deux branches ont alors vu le jour, les Le Coat de Saint-Houen et les Le Coat de Kerveguen.

A l’aube de son trépas, quelques années avant la Révolution, Hervé Le Coat de Kerveguen (1728-1781), peut contempler sa réussite d’un regard satisfait. Ce lointain descendant du drapier Jean Le Coat est devenu seigneur de Kerveguen, avocat au Parlement de Rennes, juge civil et criminel en la juridiction et châtellenie de Daoulas, subdélégué de l’Intendance de Bretagne au département de Landerneau, trésorier de la paroisse de Saint-Houardon et contrôleur de l’hôpital de la marine. Il laissera à son épouse, Marie-Thérèse Manent, ainsi qu’à leurs six enfants, une belle fortune, constituée notamment de onze domaines fonciers et de deux beaux immeubles de rapport situés tout près du port de Brest.

Né à Landerneau le 23 juillet 1776, Denis-Marie-Fidèle Le Coat de Kerveguen est le dernier des fils d’Hervé. Il a donc tout juste quatre ans lorsque meurt son père et treize lorsque la Révolution éclate. Dans le sillage de ses frères aînés, Joseph-Marie et surtout Gabriel-François-Marie (1771-1847)2, il souhaite lui aussi pouvoir  entrer dans la marine. Mais cette époque agitée semble offrir peu de perspectives pour le dernier rejeton d’une famille de la petite noblesse bretonne. Animé par l’espoir de faire rapidement fortune, Denis-Marie s’embarque donc un beau jour sur la frégate « La Régénérée » à destination des colonies. Débarqué à Saint-Pierre de La Réunion à la fin de l’année 1798, il y trouvera cependant une situation politique presque aussi délétère que sur le continent.

Sur place, la Révolution a débuté en décembre 1789, lorsqu’une première commission est établie afin d’évaluer les changements juridiques à appliquer. Les communes vont bientôt remplacer les anciens quartiers et, en mars 1790, une première assemblée sera élue au suffrage censitaire. Elle engage bien plusieurs réformes (administration, fiscalité, justice), mais ses travaux se heurte rapidement à l’opposition du gouverneur et du conseil colonial. Le climat politique devient dès lors de plus en plus tendu et confus. D’avril 1794 à juin 1795, l’île sera aux mains de la faction la plus dure des révolutionnaires, emmenée par Roubaud et Chanvalon. A partir de 1793, les Anglais vont organiser le blocus des îles Mascareignes et la situation économique ne cessera de se dégrader. Les habitants ne survivront que grâce aux exploits des corsaires Surcouf, Ripaud et Bouvet, qui parviendront à briser l’embargo britannique. Refusant d’appliquer le décret d’abolition de l’esclavage promulgué par la Convention le 4 février 1794, l’île se raidit contre la Métropole. Plusieurs révoltes se produisent et, en juin 1795, les Révolutionnaires perdent le pouvoir au profit des éléments les plus conservateurs, qui organisent la sécession politique de l’île. Celle-ci deviendra effective à partir de 1796 et le demeura jusqu’en 1802, lorsque le consul Bonaparte va envoyer sur place le général Decaen, qui instaurera un régime autoritaire (1802-1810).

Après avoir été logé à Saint-Pierre chez le magasinier Charles Bourayne (1766-1816), Denis de Kerveguen utilise le pécule qu’il a constitué avant son départ pour louer un petit local en plein centre-ville. Il ne tarde pas à y ouvrir son premier commerce. Charmeur et habile, le jeune homme obtient bientôt la main d’une riche héritière qu’il a su séduire, Angèle-Césarine Rivière (1777-1815). Le mariage sera célébré à Saint-Pierre le 25 floréal an VII (14 mai 1799). Outre de solides relations au sein de l’élite locale, elle lui apportera également en dot la coquette somme de 12 000 livres, ainsi que la possession de 15 hectares de terres répartis dans l’est de l’île, entre Saint-Joseph et Manapany. Denis, en retour, lui transmettra cette sorte de prestige qu’offre une ascendance aristocratique mais aussi tous les espoirs que peut donner un jeune homme à la fois intelligent, travailleur et très volontaire. Leur premier enfant, Louis-Marie-Gabriel de Kerveguen, naîtra moins d’un an plus tard. Le couple aura encore deux fils, Joseph-Louis-Antoine et Augustin-Charles-Armand, ainsi que deux filles, Marie-Claude-Adélaïde et Marie-Thérèse-Françoise.

Mais alors que le général Decaen continue de gouverner les Mascareignes d’une poigne de fer, la faiblesse de sa flotte finit par avoir des conséquences catastrophiques. Les Anglais parviennent ainsi à s’emparer les unes après les autres de toutes places françaises de l’océan Indien. Les Seychelles d’abord (1794), puis l’île Rodrigue (1809) et l’île de France (3 décembre 1810) sont ainsi successivement occupées et deviennent dès lors des colonies britanniques. Des attaques sont également dirigées contre la Réunion. Elles frapperont tour à tour les villes de Saint-Gilles (1808), Sainte-Rose (16-18 août 1809), Saint-Benoît (août 1809) et Saint-Paul (septembre 1809) et ne seront à chaque fois que très difficilement repoussées. Le 8 juillet 1810, un débarquement anglais de plus grande ampleur aboutit finalement à l’occupation complète de l’île par les forces de la Couronne britannique. L’amiral Robert Farquhar devient alors le nouveau gouverneur des Mascareignes. Il faudra attendre le mois d’avril 1815 et la signature du traité de Vienne, pour que l’île Bourbon ne puisse finalement réintégrer les possessions de la Couronne de France (à l’inverse des Seychelles, Rodrigue et Maurice qui resteront anglaises).

La mère de Gabriel meurt le 27 février 1815, alors que l’adolescent n’a pas encore atteint sa quinzième année. Ce décès soudain, qui suivait de quatre ans celle de son petit frère Joseph-Louis-Antoine, contribuera sans doute à endurcir le cœur du jeune garçon. Et ce d’autant plus que son père va se remarier très rapidement avec une nouvelle riche héritière en la personne de Marie-Geneviève-Hortense Lenormand, qui lui apportera cette fois-ci une dot de 20 000 livres, ainsi que plusieurs propriétés foncières, dont le domaine des Casernes à Saint-Pierre (6 mai 1816). Il aura trois autres enfants avec cette dernière femme : Denis-François, Louise-Thérèse et Ferdinand. A l’évidence, le jeune Gabriel va nouer avec sa belle-mère et ses demi-frères et sœurs des rapports assez conflictuels.

Six années après son installation à Saint-Pierre, Denis Le Coat de Kerveguen décide de se séparer de ses terres de Saint-Joseph afin d’obtenir les fonds nécessaires pour se lancer dans un négoce de blé et de tissus. Il acquiert pour ce faire un bel emplacement situé rue du Commerce, non loin de l’église principale de Saint-Pierre. En 1807, il ajoute à toutes ces activités celle de minotier. Il embauche pour ce faire un artisan-boulanger hors pair, Joseph de la Poterie, et tous les deux s’attelent bientôt à fournir du pain à toutes les bourgades de la région ainsi qu’aux navires de passage. Près de vingt esclaves travailleront bientôt pour Denis. Son magasin saint-pierrois marche si bien qu’en 1825, il peut déjà en ouvrir un second à Saint-Joseph. Le Breton décide alors de réinvestir une partie de ses bénéfices commerciaux dans l’achat de nouvelles terres afin de se lancer cette fois-ci dans la culture de la canne à sucre. Il faut dire que l’époque s’y prête.

Certes, depuis les années 1730, le café a été la principale production de Bourbon, mais il traverse alors une grave crise, conséquence notamment des terribles pluies de 1806 et 1807, les fameuses « avalasses », qui ont déraciné la plupart des plantations de l’île3. Or, au même moment, le cours du sucre ne cesse de grimper. L’indépendance acquise par Saint-Domingue en 1804, puis la perte de l’île Maurice en 1810, ont en effet ôté à la France ses deux principaux greniers à sucre. La production de saccharose à partir de la betterave, lancée à l’époque napoléonienne, est encore balbutiante, tandis que le sucre de canne bénéficie pour sa part d’importants avantages fiscaux. La Métropole, où le niveau de vie s’accroît rapidement, réclame beaucoup de sucre et quiconque sera capable de lui en fournir deviendra à n’en pas douter un homme riche. Les propriétaires terriens et les commerçants bourbonnais les plus entreprenants comprendront très vite le pari qu’ils peuvent tirer d’une conjoncture aussi avantageuse. Dès 1817, le fameux Charles Panon-Desbassyns équipe son usine sucrière du Chaudron, à Saint-Denis, d’un moulin à vapeur de fabrication anglaise, ce qui lui permettra de broyer ses cannes plus rapidement qu’aucun autre planteur local. Il pourra ainsi décupler ses gains de productivité et faire entrer l’île dans une nouvelle ère, celle de la révolution industrielle. Son exemple est rapidement imité par de nombreux autres planteurs et, en quelques années, des dizaines de sucreries plus ou moins artisanales vont ainsi voir le jour dans toute l’île.

C’est à cette époque que Denis de Kerveguen décide lui aussi de saisir la balle au bond et de se lancer à son tour dans l’aventure de « l’or roux ». A force de racheter des terrains agricoles, il a fini par se retrouver à la tête d’un vaste domaine de plus de 330 hectares. On y cultive la canne bien sûr, mais aussi des épices comme le girofle, le poivre et la cannelle, autant de cultures difficiles mais à haute valeur ajoutée. A partir de 1826, la construction de nouveaux canaux d’adduction lui permettra d’irriguer d’autres terres et il pourra ainsi inaugurer ses premières sucreries aux Casernes et à Terre-Rouge.

Désormais enrichie, la famille de Kerveguen va pouvoir se faire bâtir une belle demeure dans la rue de l’Église, près du Barachois de Saint-Pierre. Chose rare dans une ville où les maisons sont encore généralement en bois et de plain-pied, celle des Kerveguen possèdera un étage et sera en pierres taillées. Depuis son bureau du rez-de-chaussée, Denis gère son commerce avec un sens aigu des affaires. Dans ses tiroirs s’entassent pêle-mêle contrats commerciaux, correspondances diverses, quittances de dettes et titres de propriétés. Dans un coin, une belle bibliothèque en bois contient une soixantaine d’ouvrages savants, dont le grand dictionnaire de l’Académie française, une rareté sous les tropiques. De l’autre côté trône un coffre de fer renfermant quantité de pièces d’or et d’argent ainsi que de nombreux billets de banque qui ne constituent pourtant qu’une très modeste partie de la belle fortune du Breton. Lorsque Denis décédera, le 14 janvier 1827, à l’âge de 51 ans, il léguera ainsi à son fils aîné une affaire rentable et prospère dont la valeur totale est estimée à plus d’un million de francs-or !

. Les contraintes de la conjoncture mondiale

Tout comme son père, le jeune Gabriel de Kerveguen est loin d’être dépourvu de talents. Il allie une belle prestance à une intelligence brillante. Très doué en mathématiques, il sait aussi prendre la parole en public avec une aisance remarquable. Dès ses 17 ans, il a d’ailleurs secondé Denis dans la gestion du commerce familial et, une fois à sa tête, il entreprendra de le faire prospérer et y parviendra d’ailleurs au delà de toute espérance.

Il commence par récupérer la plupart des créances accordées par son géniteur et se constitue ainsi une fortune nettement plus solide, essentiellement constituée de terres et d’esclaves.

Vers la fin des années 1830 cependant, le secteur sucrier va subir une très nette contraction de ses ventes, causée en partie par des aléas climatiques, mais aussi par le plafonnement de la demande mondiale. Près de la moitié des usines bourbonnaises seront alors contraintes de fermer, soit près de 80 établissements. La production annuelle de l’île passera insi de 34 000 tonnes en 1842, à seulement 23 000 en 1850. Gabriel de Kerveguen réussit malgré tout à se tirer de cette mauvaise passe et saura même en tirer profit en achetant de nouvelles terres à bas coût. Bien lui en prend car, à partir de 1852, un nouveau cycle vertueux débute. La demande de sucre s’accroît de nouveau de façon très soutenue et, pour la satisfaire, la production réunionnaise monte à son tour en flèche, atteignant le chiffre record de 73 000 tonnes en 1860 ! Le nombre des usines, qui était de 101 en 1851, remontera ainsi à 125 en 1859.

Aux deux établissements sucriers que lui a légués son père, Gabriel en ajoutera rapidement plusieurs autres, si bien qu’à sa mort, il en contrôlera près de treize, soit dix sucreries et trois distilleries (ou guildiverie), qui produiront à elles seules près d’un quart de la production totale de sucre et de rhum réalisée dans l’île (on trouvera en annexe la liste de tous ces établissements).

Depuis son bureau saint-pierrois, « Monsieur Gabriel » travaille avec les acharnement accompagné de ses secrétaires et de ses plus proches collaborateurs, dont son agent de change, Eugène Gamin. Leur patron a l’œil sur tout. Il passe toutes ses journées à éplucher des colonnes de chiffres, à calculer le prix de revient de ses investissements et à régler les innombrables problèmes que font remonter vers lui ses différents directeurs d’usines4. Il ne compte pas ses heures et ne poursuit au fond qu’un seul but, accroître sans cesse la puissance financière de son jeune empire industriel. Sous l’égide de ce remarquable manager, la région de Saint-Pierre deviendra ainsi la locomotive de l’industrie sucrière réunionnaise.

Et cette ascension est d’autant plus étonnante que le territoire de l’île Bourbon est extrêmement réduit et que les Kerveguen eux-mêmes sont partis d’une base financière très modeste. En 1830, la colonie compte ainsi à peine 97 000 habitants (soit dix fois moins qu’à l’heure actuelle), dont approximativement 20 000 Blancs, 7 500 libres de couleur, 66 000 esclaves et 4 000 travailleurs étrangers (pour la plupart Indiens). La colonie est essentiellement agricole. Sur les 27 500 citoyens recensés, environ 5 000 sont enregistrés comme propriétaires terriens, 450 comme commerçants et 400 comme artisans. Les autres sont fonctionnaires ou manœuvres. L’île ne compte à cette époque qu’une quarantaine d’actifs exerçant des professions libérales, pour l’essentiel des médecins, des notaires et quelques avocats. Près de 1 500 libres n’ont aucune activité officielle et vivent plus ou moins de la charité publique.

. Une politique d’achats fonciers à grande échelle

L’industriel créole maîtrise parfaitement la logique capitalistique. Il sait donc que, pour pouvoir augmenter ses bénéfices, accroître ses parts de marchés et développer son entreprise, il va nécessairement devoir investir, aussi bien pour former sa main d’œuvre que pour moderniser ses équipements. Mais il sait aussi que, pour y parvenir, il devra d’abord réussir à dégager des marges conséquentes. Et il n’ignore pas que, pour réaliser ces fameuses marges, il lui faudra être capable de vendre toujours plus de sucre et au meilleur prix. Et s’il ne peut pas influer sur la demande, il peut en revanche modifier l’offre en produisant plus. Et s’il veut produire plus, il lui faut détenir plus de terres agricoles, CQFD.

Et c’est pourquoi Gabriel va devenir au fil des années le plus grand acheteur foncier de l’île. Il faut dire que les grandes concessions foncières constituées au début de la colonisation, à l’époque de la Compagnie des Indes, ont été peu à peu découpées au fil des héritages successifs. Les dernières générations de planteurs se retrouvent donc souvent à la tête de toutes petites parcelles largement inexploitables. Frappés de plein fouet par la crise de la canne, beaucoup de ces petits propriétaires doivent donc céder leurs terrains aux plus riches d’entre eux, qui se constitueront ainsi de plus vastes domaines d’un seul tenant. Les archives montrent qu’entre le 11 février 1835 et le 25 mars 1837, Kerveguen établit ainsi pas moins de 104 actes d’achats, dont neuf le même jour conclus auprès de neuf propriétaires différents ! Tous les moyens lui sont bons, de l’achat pur et simple au prêt avec garantie foncière, en passant par l’achat de quote-part dans les successions. De moins de 100 ha en 1828, son domaine passera ainsi à 628 ha en 1830, puis à 2 128 ha en 1840, 3 127 ha en 1848 et dépassera les 5 000 ha en 1860. Il détient alors plus de 12% de la surface arable de l’île !

Le cœur de son domaine est bien évidemment situé sur la commune de Saint-Pierre (2 895 ha), mais il s’étend en fait depuis les hauts de Saint-Louis (1 449 ha) jusqu’à ceux de Saint-Philippe (101 ha), en passant par Saint-Joseph (754 ha) et déborde même sur une partie de la Plaine des Cafres5. Gabriel investira également à Quartier-Français en 1852 (210 ha) ainsi qu’à Saint-Leu en 1854 (Portail, 160 ha).

. Les activités de prêt

Jusque dans les années 1840, faute d’un véritable système bancaire, les Bourbonnais sont demeurés dans l’obligation de financer leurs gros achats et leurs investissements auprès de préteurs privés, généralement de riches marchands ou des industriels du sucre. De son temps déjà, Denis-Marie de Kerveguen avait ainsi été l’un des premiers prêteurs de l’île. Son héritier Gabriel poursuivra et développera encore cette très lucrative activité.

S’il utilisera principalement ses fonds propres, son ingéniosité lui permettra aussi de mettre en place d’habiles montages financiers. Empruntant à des taux faibles, il prête ensuite à des taux usuraires allant de 6 à 16% selon la durée et le risque estimé. Des plus-values faramineuses sont bien évidemment au rendez-vous. Et gare à ceux qui ne remboursent pas dans les temps impartis ! Les notaires et les avocats de Kerveguen n’hésitent pas à les faire expulser de leurs foyers, tandis que leurs terrains s’en iront  rejoindre l’escarcelle de leur créancier.

Bien qu’il en bénéficie directement, Kerveguen est aussi parfaitement conscient des manquements de ce système archaïque. Il cherchera donc à le moderniser et contribuera ainsi à la fondation de la Banque de la Réunion (4 juillet 1853), de même qu’il sera l’un des premiers actionnaires de la Caisse d’Épargne et de Prévoyance de l’île (1854), ainsi que l’un des initiateurs du tout nouveau Crédit foncier colonial (1860).

. Les activités de négoce

Outre le goût du commerce, le père de Gabriel lui a aussi transmis une jolie entreprise d’import-export. Désireux de la développer à son tour, il choisira encore une fois d’innover et, plutôt que de reprendre le modèle ancien, imposera ses propres solutions. En 1825, la première liaison France-Réunion en bateau à vapeur a placé Saint-Denis à 113 jours de la Métropole. En 1829, afin de pouvoir transporter directement ses marchandises sans avoir à louer de navires à un armateur, il rachète aux enchères une goélette dénommée le « Renard ». L’essai ayant été concluant, il fera bientôt construire le « Gabriel », puis la « Joséphine » et enfin « l’Emilie-Ezilda » et créera dans la foulée la société de navigation Kerveguen Desrieux & Compagnie.

Ces quatre bateaux accomplissent régulièrement des navettes entre le port de Saint-Pierre et ceux du Havre, de Nantes et de Bordeaux afin d’exporter directement le sucre et le café de La Réunion. Ils reviennent ensuite dans l’île chargés d’articles divers que l’on s’empressera de revendre à bon prix dans les magasins de la société. Les navires de Kerveguen font également des aller retours depuis la Réunion jusqu’à Madagascar, l’Inde et la Chine. On les retrouvera même jusque sur les côtes de l’Abyssinie. L’un de leurs principaux objectifs est de se procurer du riz. La « folie de la canne » a entraîné la disparition de nombreuses cultures vivrières, si bien que la population est devenue plus dépendante que jamais des importations de riz venues de l’étranger. On importe aussi de la viande, de la morue, de l’huile, des graines, etc.

Écrasant méthodiquement la concurrence, Kerveguen s’arrogera aussi un quasi-monopole sur l’importation des tissus (taffetas, draps, gaze, mousseline, chapeaux), mais également  sur la  quincaillerie, la parfumerie, la sellerie et surtout les alcools de luxe (champagne, whisky, bière). Pour abriter ses importants stocks de marchandises, il fera construire un premier entrepôt à Saint-Pierre (dont une partie existe d’ailleurs encore). D’autres suivront et, en 1860, il en possède un à Saint-Joseph, deux à Saint-Pierre, un à l’Étang-Salé, un à Saint-Leu, un à Champ-Borne et un dernier, le plus important, à Saint-Denis, à l’angle des rues de l’Intendance et du Commerce. Il confiera la direction de ce dernier établissement à un certain Alphonse Samat. Ces entrepôts-magasins ne désemplissent pas car, chaque jour, les habitants viennent s’y approvisionner en produits de toutes sortes qu’ils ne peuvent pas trouver ailleurs.

Vu la morphologie très accidentée des terrains réunionnais, Kerveguen est parfaitement conscient que les routes terrestres ne pourront jamais lui permettre de déplacer sa production et ses marchandises aussi aisément qu’il l’aurait souhaité. Dans les années 1850, il fait donc construire trois « marines », c’est-à-dire des débarcadères en pierre destinés à approvisionner directement par la mer ses usines et ses magasins de Saint-Philippe, Manapany, Vincendo et Langevin.

Mais le projet qui lui tient le plus à cœur est bien évidemment la transformation de la rade de Saint-Pierre en un véritable port de commerce. Chaque année l’île reçoit  en effet près de 400 navires et ceux-ci, ne pouvant accoster, doivent  s’ancrer au large avant de faire débarquer leurs marchandises par canotage. A Saint-Denis, une sorte de débarcadère a bien été installé, mais ses capacités sont réduites. Si l’on veut pouvoir développer l’île, il faudra absolument pouvoir disposer d’un port signe de ce nom.

En décembre 1853, il réussit à convaincre le gouverneur Hubert Delisle de débloquer les fonds nécessaires pour mener à bien cet ambitieux projet. En février 1854, le conseil municipal de Saint-Pierre vote une première allocation de 5 000 francs et, le 12 mars suivant, le gouverneur pose la première pierre de la jetée occidentale. Le 30 août de la même année, la jetée orientale est commencée, tandis que l’on achèvera bientôt l’épi qui doit protéger la petite darse. Le fond du port sera ensuite méthodiquement dragué. Bien que dirigés par d’excellents ingénieurs (successivement Bonnin, Maillard et Prozinski), les travaux avanceront très lentement du fait de la houle quasi permanente et surtout de la nature rocheuse du terrain, si bien que Gabriel ne pourra jamais en voir l’achèvement.

. L’esclavage à La Réunion

En ce début du 19ème siècle, cela fait déjà près d’un siècle que l’économie bourbonnaise repose en grande partie sur le système dit de la grande plantation, dont le but est d’exporter à un coût minimal un maximum de productions agricoles vers la Métropole. Or ce système dépend de l’utilisation d’une main d’œuvre servile abondante – et par définition peu onéreuse ! Les esclaves nécessaires aux travaux agricoles sont achetés à des marchands négriers qui les ont eux-mêmes obtenus sur les côtes africaines auprès de commerçants arabes ou de roitelets locaux. Acheminés par bateaux dans des conditions sordides, ils sont ensuite vendus aux enchères à Saint-Denis, Saint-Paul ou Saint-Pierre, avant d’être finalement amenés vers les plantations où ils vont devoir passer le reste de leur triste existence, à moins que leurs maîtres ne se décident à les revendre ou à les affranchir.

Environ 70% de cette main d’œuvre servile est constituée de ceux que l’on appelle le les « nègres de pioche ». Ils travaillent sur les champs de leurs maîtres. Réunis chaque matin sous la direction d’un contremaître appelé « commandeur », ils sont divisés selon leur sexe, leur force et leur âge entre différents groupes de travail, les « bandes », avant d’être acheminés à pied vers les différentes cultures de l’habitation où va s’effectuer le travail agricole proprement dit. Binage, sarclage, élagage, récolte, etc., ces activités très pénibles se font sous la conduite des contremaîtres qui demeurent à cheval la plupart du temps, un fouet dans la main et un fusil en bandoulière, prêt à châtier tout acte de résistance et toute tentative fuite. Le soir, après un repas collectif, chacun va se coucher dans de petites paillotes où l’on doit souvent dormir à trois ou quatre. Les récalcitrants, les insolents et les chapardeurs sont  régulièrement punis à coup de fouet (chabouc). Ceux qui s’enfuient  risquent  d’être mis aux fers, amputés ou même pendus s’ils sont repris.

Les 30% d’esclaves restant sont qualifiés de « nègres de talent ». Ils œuvrent principalement comme domestiques dans les propriétés ou les usines des maîtres. D’autres encore, plus chanceux, exercent comme charpentiers, charretiers, gardiens, forgerons ou maçons.

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(image 1) Coupe de la canne à La Réunion à la fin du 19ème siècle. L’esclavage a disparu, mais pas la dureté des conditions de travail.

Jusque vers 1820, la plupart de ces esclaves ont été d’origine africaine (cafres), avec une petite proportion de Malgaches et de Créoles nés dans l’île. Au fur et à mesure que des obstacles à la traite seront imposés par l’administration, le pourcentage de Créoles ne cessera de grimper jusqu’à atteindre les 50% en 1847.

Les esclaves de Kerveguen sont des « esclaves du sucre » car ils sont utilisés dans toutes les étapes de production de cet ingrédient, depuis la mise en culture de la canne jusqu’au transport des produits finis vers les bateaux destinés à les emmener vers la Métropole, en passant par le travail accompli à l’usine. Un travail très difficile d’ailleurs, qui se déroule dans de terribles conditions de chaleur et de bruit. Un travail dangereux aussi, où les accidents plus ou moins graves ne sont pas rares. Un médecin et un infirmier résident d’ailleurs en permanence sur les plus gros sites de production afin de pouvoir soigner les malades ou blessés.

A partir de 1815, on assistera cependant à un adoucissement relatif mais réel des conditions de vie des esclaves. Les ordonnances de 1845 interdiront notamment les châtiments corporels ou encore la mise aux fers, qui seront  remplacés par des peines de prison. Certains propriétaires s’insurgeront d’ailleurs contre cette mesure à laquelle ils imputeront une augmentation des vols, des actes d’insubordination ou de « marronnage » (fuite permanente ou temporaire de la propriété). En 1847 se produira même un fait jusque-là totalement impensable, des esclaves de Kerveguen iront jusqu’à porter plainte contre lui pour excès de travail, châtiments et brutalité !

. Kerveguen tire son épingle du jeu

Il faut dire que le système esclavagiste touche alors à sa fin. Depuis 1818 en effet, la traite négrière est officiellement interdite en France (même si un trafic de contrebande se poursuit). En 1834, les Britanniques ont fait purement et simplement interdire toute forme d’esclavage dans leurs colonies. Bien au fait de l’évolution du débat politique à Paris, Gabriel de Kerveguen sait pertinemment que l’émancipation totale des esclaves de la Réunion n’est donc plus qu’une question de temps. Mais il n’ignore pas non plus que des indemnités seront très certainement versées par l’Etat aux planteurs, à titre de « dédommagement pour la perte subie ». Et c’est pourquoi, dès le début des années 1840, il commencera par racheter à tout va, et pour des sommes modiques, leurs esclaves aux plus petits propriétaires. Alors qu’il ne possédait que 104 esclaves en 1830, il en déclarera ainsi plus de 1 000 en 1840 et près de 1 500 en 1848. Lorsqu’il n’en n’a pas l’utilité, il loue leur force de travail à d’autres planteurs.

Le 20 décembre 1848, Joseph Sarda-Garriga (1808-1877), le nouveau député envoyé dans l’île par la Seconde République, proclame solennellement l’émancipation des esclaves réunionnais. Au même moment, et comme l’avait pressenti Kerveguen, l’Assemblée vote effectivement une loi d’indemnisation destinée à compenser la perte financière subie par les ex-propriétaires. Mais la procédure à suivre est longue et coûteuse. En attendant qu’elle puisse prendre effet, les autorités consentiront à délivrer aux planteurs des « bons », qui doivent leur permettre d’être indemnisés le temps venu. Les mois passent et rien ne se produit. C’est alors que Kerveguen et quelques autres planteurs parmi les plus riches comprennent tout le parti qu’ils peuvent tirer de la situation. Grâce à leur importante trésorerie, ils rachètent donc à tout va leurs bons d’indemnisation à des petits propriétaires bien heureux de pouvoir trouver ainsi une échappatoire. Et c’est ainsi que Kerveguen, qui n’avait officiellement déclaré que 1 500 esclaves en 1848, obtiendra le remboursement de plus de 10 000 bons lorsque la loi d’indemnisation sera enfin appliquée à partir de 1852. L’opération sera un beau succès financier pour lui, puisqu’il pourra obtenir 711,59 francs de dédommagement pour chacun de ses bons, alors qu’il ne les avait souvent payés que la moitié ou même le quart de cette somme à leurs détenteurs.

Un arrêté avait été promulgué le 24 octobre 1848 afin d’obliger les anciens esclaves à demeurer sur les plantations de leurs anciens maîtres sous le statut de travailleurs salariés. La plupart cependant réussirent à se soustraire à cette obligation. Dès qu’ils apprirent la nouvelle de leur affranchissement, ils partirent en effet s’installer avec leurs familles sur des terrains agricoles excentrés afin d’échapper à toute forme de tutelle. Certains préférèrent même recourir à la mendicité plutôt que d’avoir à revenir occuper un travail salarié là où ils avaient souffert pendant tant d’années. La situation devient vite critique pour des planteurs qui se retrouvent désormais privés d’une grande partie leur main d’œuvre. Pour contrebalancer ce problème, ils vont mettre   en place deux stratégies : d’une part ils commenceront à recourir à des équipements plus modernes afin de pouvoir diminuer le recours à la main d’œuvre humaine, et d’autre part ils décideront de faire appel à un salariat à bas coût d’origine étrangère.

. Le recours à l’engagisme

Afin de résoudre cet aigü problème de la main d’œuvre, la solution la plus évidente sera  d’essayer de remplacer les anciens esclaves par des ouvriers agricoles que, bien évidemment, on va rémunérer le plus faiblement possible. Mais l’île est très peu peuplée et il n’est pas possible de faire travailler comme salariés les petits colons blancs, qui ont leurs propres terres à cultiver et qui de toutes les façons n’accepteront   jamais de se plier à la discipline de fer des usines. Il n’y a donc pas d’autre choix que de faire venir de l’étranger des hommes qui seront recrutés de façon temporaire. Cette pratique, dite de « l’engagisme », avait déjà été utilisée depuis 1828 mais va connaître un formidable essor après un arrêté pris en ce sens le 17 février 1849. De 1849 à 1860, près de 60 000 engagés viendront  ainsi s’installer dans l’île.

Encore une fois, Kerveguen se montrera l’un des plus gros utilisateurs de ce nouveau système. En quelques années, le nombre des ouvriers dont il pouvait disposer fera plus que doubler, atteignant les 3 200 en 1857 (dont 487 aux Casernes, 397 au Tampon, 269 à Langevin et 259 sur la propriété voisine de Vincendo), ce qui fera de lui le premier employeur de l’île. Contrairement aux esclaves, les engagés sont perçus comme de complets étrangers par la population locale dont ils ne partagent ni la langue ni les coutumes. Ils sont donc systématiquement rassemblés et logés dans des bâtiments collectifs situés à l’écart des villes, les « cabanons ». Engagés pour 5 ans, ils travaillent  environ 11 heures par jour et six jours par semaines (une durée qui nous parait excessive mais qui est pourtant à peu près comparable à ce qui se faisait alors en Europe). Ils reçoivent leur approvisionnement en nourriture (riz, morue, sel, légumes secs) tous les dimanches. Les rapports préfectoraux montrent qu’ils sont assez convenablement logés et vêtus. Ils bénéficient  en outre des soins d’un médecin et leurs salaires sont payés à échéance fixe. Mais les « engagistes » font aussi tout leur possible pour que cette main d’œuvre ne soit pas en mesure de rompre ses contrats et l’une de leurs méthodes, assez sournoise, consiste à l’endetter afin qu’elle ne puisse plus réclamer son rapatriement.

Dans un premier temps, la plupart de ces travailleurs seront des Noirs venus du golfe de Guinée, du Mozambique ou de Madagascar. Mais une série de scandales publics viendra  bientôt mettre un terme à ce circuit d’approvisionnement. En 1855 par exemple, une révolte éclate  à bord du « Happy », un bateau venu de Madagascar remplis de « travailleurs » à destination de La Réunion. La répression fera près de 160 victimes. En novembre 1857, la marine portugaise arraisonnera un navire à destination de Bourbon, le « Charles et Georges », où là encore les travailleurs étaient manifestement traités comme de la main d’œuvre servile. Au printemps 1858 enfin, des travailleurs libériens se mutineront  à bord du « Regina Coeli », un bateau censé les amener à La Réunion. Des enquêtes finiront par démontrer que l’engagisme africain n’était souvent qu’une traite déguisée, puisque les planteurs achetaient en réalité des personnes capturées qui étaient certes affranchies au moment de la vente mais qui devaient ensuite être rapportées à leurs maîtres après la fin de leur contrat. Le 6 janvier 1859, un arrêté ministériel vient donc interdire le recours aux travailleurs africains. Ceux qui étaient déjà présents sur l’île ne seront  pas renvoyés dans leurs pays pour autant et la durée de leur contrat sera même portée d’office à 10 ans.

Kerveguen tentera également de faire appel à des Chinois, avant de renoncer devant les conséquences de ce qu’il présente comme le caractère « trop fier et délicat de ce peuple ». Au final, c’est donc l’Inde, immense et populeuse, qui va permettre aux planteurs réunionnais de pouvoir trouver leur bonheur. Dès 1828, les comptoirs français (Pondichéry, Karikal, Mahé) sont ainsi invités à fournir de la main d’œuvre mais le réservoir disponible est trop faible. Heureusement, les 25 juillet 1860 et 1er juillet 1861, deux conventions franco-anglaises  sont signées au terme desquelles les Britanniques autorisent le recrutement annuel de 6 000 de leurs sujets indiens à destination des plantations de la Réunion. Alors que les contrats africains ont été étendus à 10 ans, celui des Indiens demeura fixé à 5 ans. Jusqu’en 1885, date à laquelle ces conventions seront finalement révoquées par Londres, près de 30 000 engagés indiens auront  ainsi fait le voyage vers l’île de la Réunion. Pour la plupart, il s’agissait d’Hindous de langue tamoule, issus des basse castes et parfois même d’ « intouchables » qui avaient été recrutés par des compagnies de commerce, les Mestrys. Elles-mêmes se servaient d’agents spéciaux, les Couti-mestrys, qui touchaient une part sur chaque contrat et se montraient donc souvent peu scrupuleux. Après avoir été regroupés dans les ports, les engagés étaient parqués dans des bâtiments fermés et plusieurs cas de kidnappings de mineurs furent même enregistrés par les cours de justice locales. Conscientes de la gravité des enjeux, les autorités de La Réunion vont accepter de créer un syndicat des migrants en 1853. Cet organisme pourra  disposer de représentants dans chacune des communes de l’île et sera autorisé à mener des enquêtes deux fois par an afin de pouvoir vérifier les conditions de travail des engagés. En 1852, Kerveguen ira jusqu’à faire bâtir cinq temples afin que ses travailleurs hindous puissent exercer librement leur culte6.

Partie II

Notes : 

1 Ou K/veguen dans la graphie la plus souvent utilisée à La Réunion.

2 Ce Gabriel de Kerveguen 1er du nom termina sa carrière comme commandant du port de Toulon avec le grade de contre-amiral.

3 Du 12 jusqu’au 23 décembre 1806, puis à nouveau du 26 décembre 1806 jusqu’au 6 janvier 1807, la pluie tomba sans discontinuer sur l’île, ce furent les fameuses « avalasses » ou « avalaisons ». Conséquence de la déforestation, le sol réunionnais fut lavé et raclé jusqu’au tuf, à tel point que la mer jaunit sur une distance de vingt lieues ! Le 14 mars 1807, un cyclone anéantit les rares plantations de café qui avaient survécu.

4 Qu’il s’agisse de Monsieur Bouisson du Piton-Babet, de Monsieur Furcy Hoarau à Vincendo, d’Albert Ricquebourg à l’Etang-Salé ou encore de Monsieur Badre à La Chapelle.

5 La colonisation de la Plaine des Cafres fut officiellement lancée par l’arrêté du 4 novembre 1851.

6 L’un deux, le temple Pandialée de Saint-Louis, existe toujours. C’est le plus ancien temple hindou de l’île, et sans doute le plus ancien lieu de culte non-catholique.

Crédit photographique :

Image de présentation : La cheminée de l’ancienne usine sucrière du Langevin à Saint-Joseph [By Thierry Caro (Own work) [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html) or CC BY-SA 4.0-3.0-2.5-2.0-1.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0-3.0-2.5-2.0-1.0)%5D, via Wikimedia Commons]

Image n°1 : By Henri Georgi (Vers 1853-1891) (Centre des archives d’outre-mer) [Public domain], via Wikimedia Commons]

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