« Le départ du colonel Morlanne est un événement extrêmement grave pour le Service, car il en était non seulement la tête mais l’âme. C’est lui qui l’a créé, qui a en défini les bases, précisé la forme, choisi et modelé les personnels d’active et de réserve »
Extrait de l’allocution prononcée par Robert Roussillat le 22 mars 1957 au camp de Cercottes à l’occasion de sa prise d’arme à la tête du Service Action du SDECE.
Henri Fille-Lambie, dit « Jacques Morlanne » (1909-1978)
Après avoir évoqué le parcours de plusieurs de ses compagnons d’armes, il était devenu nécessaire de s’intéresser à présent à Henri Jean Fille-Lambie, l’homme qui, sous le pseudonyme de « Jacques Morlanne », a fondé le Service Action du SDECE en 1946 avant de le diriger ensuite pendant onze années.
L’entreprise est de taille car retracer la trajectoire d’un homme qui a volontairement vécu dans l’ombre durant une grande partie de sa vie n’est évidemment pas chose aisée. Les archives du SA, les seules qui nous permettraient de pouvoir retracer sa carrière et son action avec précision, restent bien sûr inaccessibles aux chercheurs et le demeureront sans doute pendant encore très longtemps[1]. Quant aux acteurs de cette époque, ils ont à présent presque tous disparus.
Et pourtant, il n’est pas envisageable d’analyser la genèse des services spéciaux français et même, disons-le nettement, de faire l’histoire politique de la Quatrième République, sans aborder de façon sérieuse le rôle qu’ont pu y jouer cet homme et son unité.
C’est en nous appuyant sur les rares archives et témoignages disponibles ainsi que sur l’excellent travail d’investigation mené en son temps par Roger Faligot que nous avons pu rassembler la plupart des éléments qui vont suivre. Comme à chaque fois cependant, nous invitons les lecteurs à faire preuve de la plus grande prudence vis-à-vis de ce qui est écrit ici et nous tenons prêts à effectuer toutes les corrections ou précisions que l’on voudra bien nous communiquer dès lors qu’elles s’appuient sur des sources sûres.
I. Jeunesse et études (1909-1927)
Bien qu’il soit né en Haute-Marne le 2 mai 1909, les attaches familiales d’Henri Jean Fille-Lambie sont bel et bien gasconnes. Son grand-père paternel, Bernard Fille (1825-…), exploitait en effet une ferme à Nousty, un village situé au cœur de la verdoyante campagne béarnaise, à égale distance entre Tarbes et Pau. Les registres d’état-civil confirment la présence de cette famille dans la région au moins depuis la fin du 18e siècle même si son installation est sans doute bien plus ancienne.
Refusant de suivre la voie paternelle, le fils de Bernard, Jean Fille (1871-1937), choisit de s’engager dans l’armée française en 1889. La consultation de son registre de matricule militaire permet d’établir qu’il a principalement servi en Algérie en tant que télégraphiste au sein de plusieurs régiments du génie (de 1889 à 1895 d’abord puis de 1896 à 1901). On sait qu’il a aussi participé à la campagne de Madagascar accomplie sous les ordres du général Joseph Gallieni en 1895-1896, ce qui lui a valu d’obtenir la médaille militaire[2]. Il semble bien que ce Jean Fille a été le premier de sa lignée à se faire officiellement appeler Fille-Lambie, bien que le nom de « Lambie » (qui est peut-être d’origine écossaise) avait déjà été porté par certains de ses ancêtres.
Toujours est-il que Jean Fille-Lambie va épouser en novembre 1901 une certaine Clémence Marie Jeanne Hondeville (1873-…), la fille d’un négociant tarbais originaire de Nousty, et que c’est sans doute la naissance de leur premier fils, Maurice (1906-1983), qui va le conduire à quitter la vie militaire pour retourner dans le civil. Devenu receveur des postes en janvier 1906, l’ancien télégraphiste militaire va être envoyé à Vaillant, dans l’Est de la France, en juillet 1907, ce qui explique que son second fils, Henri Jean, le futur colonel Morlanne, soit né dans cette commune.
Mais le rude climat du plateau de Langres ne semble guère l’avoir enchanté et Jean Fille-Lambie ne tardera donc pas à demander sa mutation afin de pouvoir retourner dans sa chère Gascogne. Ayant vu son vœu exaucé, il va exercer son métier de postier successivement à Moulis-en-Médoc (1909-1913) puis à Lussac-de-Libourne (1913-1924) et enfin à Morlanne, au pied des Pyrénées (1924-1932). Parvenu à l’âge de la retraite en janvier 1932, il s’installera ensuite non loin de là, à Riscle, dans le village natal de son épouse (il mourra finalement à Pau cinq ans plus tard).
Son fils Henri gardera toute sa vie non seulement l’accent béarnais mais aussi un profond attachement pour sa contrée d’origine et, en 1945, lorsqu’il devra choisir un nom de code avant de partir en mission en Asie, il adoptera d’ailleurs celui de Morlanne, en hommage à ce lieu bucolique où il avait passé une grande partie de son enfance.
Bien que l’on n’ait pas pu accéder à des archives privées, on peut imaginer sans trop de peine ce qu’a pu être la première jeunesse d’Henri. Une jeunesse rustique, passée au milieu de paysans dont la vie toute entière tourne autour des travaux agricoles ; les semailles, les récoltes, le battage, le soin quotidien apporté aux bêtes, etc. Des paysans dont la plupart ne parlent que le dialecte. En tant que fonctionnaire de l’administration postale cependant, le père avait une position particulière qui faisait de lui un (petit) notable, en contact étroit avec ces autres figures d’autorité qu’étaient alors le maire, le curé et l’instituteur.
II. Le mécanicien aéronautique (1927-1940)
Henri Fille-Lambie venait de fêter son cinquième anniversaire lorsque l’Europe bascula brutalement dans la guerre. Son père, trop âgé, ne fut pas rappelé au service et put donc demeurer auprès des siens. A l’exaltation des débuts succéda vite la lassitude imposée par les restrictions de toutes sortes et surtout par cette crainte, tenace et permanente, que les « Poilus » malgré leur héroïsme ne puissent contenir l’offensive des « Boches ». Située très loin du front et du fracas des canons, la petite commune de Lussac s’installa alors dans une étrange routine tandis que les femmes s’en allèrent remplacer les hommes dans les vignobles.
A l’école communale, Henri et ses camarades étaient encore trop jeunes pour comprendre tous les ressorts du conflit. Il ne faisait cependant aucun doute dans leurs esprits que l’Allemand était bien l’agresseur et que la France ne faisait que défendre son droit. Déclamation de l’hymne national, levée des couleurs, lettres aux soldats, récits de leurs exploits et biographie des grands chefs, tout était fait pour élever la conscience patriotique de la jeunesse et maintenir le moral de l’arrière, condition indispensable à la victoire. On peut penser que le patriotisme fervent qui caractérisera par la suite le colonel Morlanne a été l’une des conséquences de ces années passées à l’ombre de la Grande guerre. La délivrance, chèrement payée, interviendra finalement avec l’armistice signé à Rethondes le 11 novembre 1918.
Après l’obtention de son certificat d’études (vers 1920 ?), Henri a peut-être rejoint une école primaire supérieure pour y apprendre un métier manuel, à moins qu’il n’ait fait partie de ces quelques élèves doués qui étaient admis chaque année au lycée. Si c’est le cas, alors on peut penser que lui, le fils de postier, a dû côtoyer de près les enfants de cette bourgeoisie conservatrice du Sud-Ouest, si bien décrite par François Mauriac.
Toujours est-il qu’à dix-huit ans, Henri Fille-Lambie va choisir de devancer l’appel pour rejoindre l’armée française. Pourquoi avoir pris une telle décision ? A-t-il donc voulu échapper à une désillusion professionnelle ? à une peine de cœur ? ou bien souhaitait-il suivre l’exemple de son père et celui de son frère aîné, Maurice, qui avaient tous les deux fait le choix des armes[3] ? Encore une fois et faute d’avoir pu accéder à des documents privés, nous sommes contraints d’avouer notre ignorance sur ce point.
Venu se présenter à la mairie de Pau en 1927, il va y signer un contrat d’engagement de quatre ans. En tant que volontaire, on va l’autoriser à postuler pour l’arme de son choix. Or, à l’exemple de beaucoup de garçons de son âge, son adolescence a été bercée par le récit des exploits des as de l’aviation et des pionniers de l’aéropostale, aussi n’est-il pas étonnant qu’il ait voulu intégrer l’arme aérienne, une décision qui sera acceptée. Hélas pour lui, il va déchanter lorsqu’on lui annoncera que sa mauvaise vue (il portera toute sa vie de grosses lunettes) lui interdit de rejoindre le personnel navigant (PN).
Le dossier d’Henri Jean Fille-Lambie conservé au SHD contient quelques pièces qui permettent de retracer en partie sa carrière militaire. On sait ainsi qu’après avoir été redirigé vers une carrière d’officier mécanicien, le jeune homme a été admis à l’école Hanriot (de Courbevoie ?), l’une des institutions chargées de former les spécialistes en aéronautique. Ayant fait contre mauvaise fortune bon cœur, il va se montrer un élève doué et parviendra ainsi à décrocher son brevet supérieur de mécanicien aéronautique (31 octobre 1928). Le 16 décembre 1928, pour sa première affectation, le jeune Henri va être envoyé sur la base d’El-Aouina, près de Tunis, où il va travailler pendant sept années en tant que sergent mécanicien au sein du Groupement Aérien d’Afrique n°4 (4-GAA).
C’est sur les pistes au goudron surchauffé par le soleil de Tunisie qu’Henri Fille-Lambie va pouvoir parfaire sa formation initiale, si bien que les moteurs des Potez, Nieuport-Delage et autres Dewoitine n’auront bientôt plus de secret pour lui. Les mécaniciens aéronautiques forment une catégorie bien à part au sein de l’armée de l’air. Ils ont leurs propres traditions et même leur saint patron, saint Eloi. Hormis les mécaniciens navigants, ils sont considérés comme des « basiers » car ils ne quittent guère le ras du sol. L’une de leurs particularités est de s’en prendre souvent aux pilotes qui ont eu le malheur de « casser » les beaux moteurs qu’ils avaient eu tant de mal à réparer.
A El-Aouina, Morlanne va pouvoir côtoyer de près ses héros, les vétérans de la Grande guerre, qui vont lui conter leurs exploits. Mais il va aussi croiser des anciens des campagnes du Rif (1924-1925) et de Syrie (1925-1926), qui vont lui apprendre ce que peut accomplir l’aviation dans le cadre d’un combat contre-insurrectionnel, autant d’informations qui lui seront plus tard bien utiles[4]. En 1932-1934, les bases tunisiennes vont d’ailleurs se mobiliser pour soutenir les opérations conduites contre les derniers rebelles de l’Anti-Atlas marocain et du Sahara occidental.
A l’exemple de son père, qu’il appelait parfois le « vieil Africain », le jeune mécanicien va aussi pouvoir s’imprégner de cette ambiance si particulière qui forme le quotidien des militaires stationnés au Maghreb, où la routine de la vie de caserne et des réveils au son du clairon est colorée par la vision des uniformes chamarrés des troupes coloniales ; spahis, zouaves et autres tirailleurs, qui défilent sabres au clair à grand renfort de trompettes et de tambours. A l’occasion, le jeune homme s’en ira parfois flâner avec ses camarades dans les rues animées des centres-villes de Tunis ou de Bizerte, où les militaires en permission peuvent arborer leurs décorations et leurs tenues le long d’avenues rectilignes bordées de palmiers, avant d’aller discuter aux terrasses des cafés avec en tête les airs à la mode de Lucienne Boyer ou de Tino Rossi. On se croirait même sur la Côte-d’Azur si, en arrière-plan, il n’y avait pas cette vie indigène qui suit son propre rythme, avec son propre langage et ses propres codes : les femmes toutes voilées de blanc, les hommes coiffés du tarbouche et les appels à la prière du muezzin.
Henri Fille-Lambie profitera évidemment de chaque occasion pour s’en aller rendre visite aux siens et c’est lors d’une permission passée dans le Béarn qu’il va sans doute faire connaissance avec Marie-Marguerite Chabat (1904-2004), une institutrice dont le père travaille alors comme boulanger à Thèze, un village situé à environ 20 km au nord de Pau. Les jeunes fiancés finiront par se marier le 29 août 1931 dans la mairie de Thèze. Epouse discrète, Marie-Marguerite accompagnera toute sa vie son mari avec beaucoup d’abnégation. Le couple aura deux fils, dont Michel, qui va naître vers 1935.
Désireux de se rapprocher des siens, Henri Fille-Lambie finit par obtenir son affectation sur la base aérienne n°136 de Pau en mars 1935. Il n’y restera pas longtemps cependant, car une opportunité de pouvoir monter en grade et en compétence va bientôt se produire. En octobre 1935, il parvient ainsi à rejoindre l’Ecole de l’air. Dirigée par le général Jean Houdemon, cette institution vient tout juste d’être d’implantée dans la caserne des Petites-Ecuries de Versailles. Admis au sein du 3ème bataillon de l’air, Henri Fille-Lambie va y accomplir un stage d’application dont il ressortira diplômé le 1er octobre 1936 avec le grade de sous-lieutenant dans le corps des officiers des services administratifs.
Avoir opté pour l’aviation représente un véritable atout pour un homme aussi volontaire qu’Henri Fille-Lambie, car cette arme connaît alors d’importantes évolutions, ce qui ouvre naturellement de belles perspectives et d’intéressantes opportunités de carrière. Disposant de son propre ministère depuis 1928, elle est en effet devenue une arme indépendante à compter du 2 juillet 1934 et son poids dans la politique de défense n’a pas cessé d’augmenter depuis. Ainsi, alors qu’elle recevait seulement 27% des crédits militaires en 1927, elle en percevra plus de 51% en 1939. En 1936, Pierre Cot, alors ministre de l’air dans le gouvernement de Léon Blum, va prendre en charge la nationalisation de l’industrie aéronautique française et faire fusionner la quasi-totalité des avionneurs privés afin de constituer six Sociétés Nationales de Construction Aéronautique (SNCA).
Décidé à tout faire pour sortir de sa condition d’origine, Henri Fille-Lambie va profiter de son séjour parisien pour passer un diplôme d’auditeur à l’Ecole pratique des hautes études. Il va alors assister avec beaucoup d’intérêt aux cours d’histoire économique délivrés par le professeur Georges Bourgin (1879-1958) et ce dernier, conscient de ses capacités, l’invitera même à donner quelques conférences devant le conseil municipal de Paris à propos de l’œuvre accomplie par la France en Afrique du Nord[5].
En parallèle, Fille-Lambie va également faire une tentative pour intégrer les premiers groupements d’infanterie de l’air, ces deux nouvelles formations parachutistes (GIA 601 et 602) qui sont en train d’être mises en place sous l’égide du colonel Frédéric Geille (1896-1976). La chose ne se fera pas cependant, car il va échouer à la visite de contrôle le 26 décembre 1936. Peut-être échaudé par cet échec, il rejoindra bientôt l’école supérieure d’éducation physique de Joinville, à Vincennes, où il ne ménagera pas ses efforts pour essayer de se bâtir un corps d’athlète[6].
Ces deux choix en apparence opposés, à savoir celui du sport et celui des études universitaires, semblent déjà souligner le profil assez atypique de Fille-Lambie, un homme qui se montre autant attiré par l’action que par les choses de l’esprit, une particularité qui anticipe d’ailleurs directement sur ce que sera la suite de sa carrière.
En janvier 1937, Fille-Lambie va rejoindre le centre d’aviation de Nancy. Chargé de la gestion du matériel, il va également servir d’adjoint au commandant de la 1ère compagnie. Si cette nomination va lui apporter un peu de stabilité professionnelle, l’inaction qu’elle entraîne lui pèsera aussi quelque peu. En mars 1940, il va donc se porter volontaire pour rejoindre la Finlande afin d’aider l’armée de ce pays à affronter les assauts de l’armée soviétique. La capitulation d’Helsinki face à l’URSS l’empêchera toutefois d’accomplir son objectif et il n’ira donc pas plus loin que l’aérodrome du Bourget (13 mars 1940).
III. Guerre et résistance (1940-1945)
. L’armée de l’air dans la campagne de France (1940)
Le 8 avril 1939, Henri Fille-Lambie est nommé commandant adjoint de la base aérienne n°121 (BA-121) située à Essey-lès-Nancy. Cinq mois plus tard se produisent la déclaration de guerre et l’ordre de mobilisation générale. Bien qu’elles aient été attendues depuis longtemps, ces annonces n’en provoquent pas moins une vague de stupeur et d’inquiétude à travers tout le pays. Et pourtant, à cette étape fébrile vont bientôt succéder neuf mois d’inaction relative. C’est l’époque dite de la « drôle de guerre », au cours de laquelle les soldats français vont vivre retranchés l’arme au pied derrière la ligne Maginot.
A l’inverse de l’armée de terre et de la marine cependant, l’armée de l’air va au contraire multiplier les initiatives. Etabli en 1938, le plan d’équipement V doit notamment lui permettre de rattraper le retard technologique qu’elle a accumulé par rapport à l’Allemagne. Il s’agit en particulier d’assurer au plus vite le remplacement de ses avions les plus anciens par de nouveaux modèles, plus performants[7]. Comme les autres bases aériennes, celle de Nancy va donc être le cadre d’une activité intense, car ces nouveaux appareils doivent évidemment être équipés et testés avant de pouvoir être déployés. On organise aussi, et pour la première fois, l’installation de radars à ondes électromagnétiques afin de pouvoir détecter d’éventuelles intrusions aériennes. Enfin et surtout, loin de rester passive dans ses hangars, l’aviation française va effectuer près de 9 500 missions de chasse entre septembre 1939 et mai 1940, remportant au passage 80 victoires aériennes et subissant 63 défaites.
Il n’empêche, la grande offensive allemande du 10 mai 1940 va surprendre le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Joseph Vuillemin (1883-1963), alors qu’il se trouve encore en pleine réorganisation de ses forces, de modernisation de son matériel et d’instruction de ses troupes. Les semaines et les mois qui vont suivre vont être particulièrement éprouvants. Car tandis que l’infanterie et l’artillerie vont reculer devant les coups de boutoir de la Wehrmacht, les 68 unités de l’aviation française vont se retrouver dominées dans quasiment tous les secteurs du combat.
Dès le début des hostilités, des failles béantes apparaissent dans le dispositif français. Bien trop lourde et complexe, la chaîne de commandement freine considérablement la réactivité opérationnelle des escadrilles. Faute d’une véritable doctrine stratégique, celles-ci ont été réparties sur l’ensemble du front où elles doivent agir dans la stricte dépendance de l’armée de terre, une option qui va rapidement avoir des conséquences tragiques, car de fait, les chasseurs français vont systématiquement se retrouver en infériorité numérique face à des adversaires se déplaçant en force et le long d’axes très précis. Trop peu nombreux, les groupes de bombardement sont incapables de causer de véritables dommages au Reich. Ne disposant pas de moyens radio suffisants, ils n’arrivent pas non plus à se coordonner efficacement entre eux et sont durement étrillés par une DCA allemande que personne n’aurait imaginée aussi redoutable. La présence sur les routes de nombreuses colonnes de réfugiés, ainsi que la crainte de causer des destructions massives dans les villes déjà occupées par l’ennemi, vont régulièrement brimer les projets de contre-offensives. Enfin, les équipements de détection s’avèreront trop peu nombreux pour être vraiment utiles.
Bref, rien n’aura fonctionné comme prévu et seul l’honneur n’aura pas manqué. Ayant effectué près de 10 000 sorties, l’aviation française va ainsi perdre près de 600 hommes et plus de 1 500 appareils en cinq semaines de combat.
Nous n’avons pas (encore) réussi à déterminer le rôle que le commandant Fille-Lambie a joué pendant la campagne de France. Selon toute vraisemblance, il a dû participer à la préparation des équipages envoyés combattre la progression allemande. La base n°121 sera en tout cas abandonnée à l’ennemi le 15 juin tandis que les groupes aériens d’observation (GAO) qu’elle abritait devront se replier en toute hâte vers le sud de la France. Le 17 juin, le nouveau gouvernement dirigé par le maréchal Philippe Pétain, annonce son intention de solliciter un armistice. L’accord final, qui sera signé à Rethondes le 22 juin, prendra effet le lendemain à minuit.
Ayant pu échapper à la capture, le sous-lieutenant Henri Fille-Lambie se voit redirigé vers la base aérienne d’Istres. Situé entre Arles et Marseille, l’endroit est devenu le point névralgique d’une aviation française qui cherche alors à tout prix à replier le maximum d’unités vers l’Afrique du Nord afin qu’elles puissent échapper à l’occupant. Une véritable noria va donc se mettre en place durant plusieurs semaines. Une fois ces opérations achevées cependant et afin de se plier aux dures conditions validées à Rethondes, l’armée de l’air va devoir se séparer d’une grande partie de son personnel. Ce sera le cas d’Henri Fille-Lambie, qui sera officiellement placé en congé d’armistice à compter du 20 novembre 1940.
. L’épisode de JM (1940)
Traumatisé comme tous ses compatriotes par l’ampleur de la défaite subie, Fille-Lambie appartient à ces hommes qui sont convaincus que le redressement de la France passera par l’éducation et la formation des nouvelles générations. Dès l’été 1940, il a donc rejoint le mouvement Jeunesse et Montagne (JM), une structure mise en place par d’anciens cadres de l’armée de l’air afin d’initier de jeunes volontaires aux sports de montagne mais aussi pour servir d’ersatz à un service militaire désormais aboli.
La direction de JM est venue s’installer à Grenoble. Elle a autorité sur cinq groupements (Dauphiné, Savoie, Haute-Savoie, Vignemale et Comminges) qui à leur tour supervisent deux ou trois centres contrôlant à chaque fois une centaine de volontaires (divisés en groupes, équipes et patrouilles). Au sein de cette organisation pyramidale, Fille-Lambie va recevoir la direction du centre du Charmant Som.
Dépendant du groupement Dauphiné, le centre a été implanté dans un vaste refuge construit en 1937 au milieu d’un alpage du massif de la Chartreuse (situé sur la commune de Laffrey, Isère). Avec l’énergie qui le caractérise, Henri Fille-Lambie va se mettre rapidement à l’ouvrage. En quelques semaines, il parviendra ainsi à constituer un véritable espace de formation dédié aux sports de montagne. Epaulé par plusieurs guides, il va initier une centaine de jeunes volontaires à l’escalade et à la randonnée (à pied ou à ski) mais aussi aux travaux ruraux : coupe de bois, construction d’abris, balisage de sentiers, fabrication de charbon, etc. Le centre ne disposant d’aucun véhicule, le transport du matériel nécessaire à ces activités se fera uniquement à dos d’hommes ou de mules.
C’est à cette époque que le lieutenant Fille-Lambie va faire une rencontre qui va s’avérer tout à fait décisive, celle du capitaine Jacques Faure (1904-1988). Ancien chasseur alpin, ce remarquable athlète a été le porte-drapeau de la sélection française aux jeux olympiques d’hiver organisés à Garmish-Partenkirchen en février 1936. Après s’être brillamment illustré au cours de la campagne de Norvège et notamment pendant la bataille de Narvik, il a préféré repartir en France plutôt que de rester à Londres. C’est peu après son retour que l’état-major a décidé de le nommer à la direction de Jeunesse et Montagne (15 août 1940). Au fil de leurs échanges, Faure et Fille-Lambie vont apprendre à s’apprécier et, lorsqu’il va recevoir sa mutation au Maroc, le premier fera d’ailleurs de son mieux pour que le second puisse venir le rejoindre (novembre 1940)[8].
. Le passage en AFN (1940-1943)
Une fois installé à Rabat, Henri Fille-Lambie va découvrir une situation bien différente de celle qui règne en Métropole. Car ici, loin de la Wehrmacht et de la pression des milieux collaborationnistes, c’est l’armée française qui tient le haut du pavé. En vertu de l’état de siège, elle dispose des pouvoirs de police et ne se prive d’ailleurs pas d’en user. Imposant un strict contrôle sur les populations (censure de la presse, limitation des circulations, surveillance des correspondances, etc.), elle n’hésite pas à faire interner tous ceux qu’elle soupçonne de dissidence, que ce soit au profit des Allemands, mais aussi de l’URSS, des Anglais ou des gaullistes. Et elle a d’autant moins de compte à rendre que celui qui sera son chef jusqu’en novembre 1941, le général Maxime Weygand, a reçu l’ensemble des pouvoirs militaires et civils[9]. Placé à la tête de 110 000 soldats, pour la plupart très expérimentés, il est certain qu’ils seront appelés tôt ou tard à jouer un rôle décisif dans le salut de la patrie.
Jacques Faure a donc été choisi pour prendre la tête du service de la jeunesse et des sports (rattaché à la direction de la santé publique du protectorat français) et c’est sur son intervention qu’Henri Fille-Lambie va bientôt pouvoir prendre la tête des Gardes du Maroc (juin 1941), une formation destinée à encadrer la jeunesse d’origine européenne dans le sens de la fidélité aux idéaux du maréchalisme. A l’initiative de leur chef, les Gardes ont été divisés en deux grandes unités, l’une implantée à Rabat (dirigée par un certain Delaye) et l’autre à Casablanca (sous les ordres de l’officier Bertaud). Une section féminine existe également (dirigée par madame Lilia de Vendeuvre), ce qui représente environ 1 300 jeunes âgés de 15 à 20 ans. Placé à leur tête, Fille-Lambie va participer à la plupart des cérémonies publiques organisées à l’initiative du résident général, le très autoritaire Charles Noguès (1876-1971)[10].
La situation politique et militaire de l’Afrique du Nord vichyste, que chacun savait d’ailleurs précaire, bascule finalement le 8 novembre 1942, au moment du débarquement des forces anglo-américaines. Après avoir tenté de s’y opposer par la force, les troupes vichystes finissent par demander un cessez-le-feu. Dans un premier temps, Charles Noguès va habilement parvenir à conserver son poste en se plaçant sous la tutelle de l’amiral Darlan, puis sous celle de son successeur, le général Henri Giraud. Mais la pression s’exerçant contre les anciens vichystes étant devenue trop forte, il finira par démissionner en juin 1943.
Héros des guerres coloniales, capturé lors de la débâcle puis évadé spectaculairement d’Allemagne, le général Giraud bénéficie alors du ferme soutien des Alliés. Avec leur aide, il va entreprendre de constituer une véritable « armée d’Afrique » dans le but de relancer la France dans la guerre. Mais pour y parvenir, il aura évidemment besoin de mobiliser toutes les bonnes volontés.
Le 1er avril 1943, Fille-Lambie est donc rappelé dans l’armée d’active avant d’être envoyé au Centre d’instruction d’artillerie de l’air n°2 (CIA-2) installé à Médiouna, près de Casablanca. Il ne va pas y rester longtemps cependant, car grâce à l’appui de Faure (qui a rejoint le cabinet militaire du général Giraud), il va bientôt pouvoir intégrer le 1er Régiment de chasseurs parachutistes, une formation d’élite qui vient tout juste d’être constituée à Fès sous le commandement du colonel Henri Sauvagnac (juin 1943). En août 1943, à l’occasion d’un passage dans l’Algérois, Fille-Lambie va passer avec succès son brevet militaire d’aptitude aux fonctions de parachutiste de l’infanterie de l’air (n°1116), une belle revanche pour celui qui avait échoué à obtenir le même certificat sept ans plus tôt.
. Engagement dans les services spéciaux et missions en France occupée (1943-1944)
Mais le débarquement en Métropole semble encore loin et Henri Fille-Lambie, qui souhaite activement contribuer à la libération de son pays, décide donc de se porter volontaire pour mener une mission clandestine en France occupée. Après s’être rendu à Alger et avoir passé les tests de sélection prévus en pareil cas, il va signer son engagement dans les services spéciaux le 30 septembre 1943. Dirigé sur Londres par voie aérienne, il arrivera sur place le 28 octobre. Intégré aux Forces françaises combattantes (FFC), il aura le statut d’agent P2 (permanent) et le grade de chargé de mission de seconde classe.
Le 15 novembre 1943, Henri Fille-Lambie est convoyé sur l’aérodrome de Tangmere, dans le Sussex, où il va venir prendre place à bord d’un bimoteur Hudson appartenant à l’escadron 161 de la RAF. Montée par le Special Operation Executive (SOE), l’opération « Conjurer » doit permettre d’infiltrer six agents en France occupée, à savoir Henri Fille-Lambie (« Jean-Michel »), Victor Gerson (« René »), Jean Menesson (« Henri »), Eugène Felangue (« Levene »), André Maugenet (« Benoît ») et Paul Pardi (« Philibert »).
Après avoir franchi avec succès les barrages de la DCA allemande, le pilote britannique, Lewis Hodges, parvient à se poser tranquillement sur un terrain clandestin connu sous le nom de code d’Achille, en fait une prairie située à environ un kilomètre au sud-est du village de Soucelles, près d’Angers. Alors que les six passagers viennent de quitter la carlingue, ils sont rapidement remplacés par sept autres, dont un certain François Mitterrand, alias « Morland », qui a été appelé à Londres pour s’entretenir avec le général de Gaulle. Fille-Lambie et lui s’échangent alors quelques mots car ils ont déjà eu l’occasion de se croiser à Vichy, à l’époque où Mitterrand travaillait au profit des prisonniers de guerre.
Le chef de terrain et responsable de l’opération « Conjurer » s’appelle Henri Déricourt, c’est un expert reconnu qui a déjà supervisé une quinzaine d’opérations de ce genre (dites d’atterrissage, ou Pick up). A peine l’avion a-t-il redécollé qu’il disperse rapidement son groupe. Et tandis qu’une partie est prise en charge par son adjoint, Rémy Clément, qui va les conduire vers la gare voisine d’Etriché, les autres vont partir avec Héricourt vers celle de Tiercé. Au petit matin, tous finiront par monter à bord du même train à destination du Mans. Arrivé à Angers, Fille-Lambie va quitter ses camarades car il doit y prendre une correspondance pour Rennes. Heureusement pour lui car Maugenet, Pardi et Menesson seront arrêtés par la Gestapo dès leur arrivée en gare de Montparnasse. Tous les trois seront déportés et finalement fusillés[11].
C’est donc depuis la Bretagne que Fille-Lambie, alias « Jean-Michel », alias « Ligure », va commencer à recruter ses premiers agents et à bâtir son réseau.
La lecture de son dossier de résistant, tel qu’il peut être lu au Service historique de la Défense, nous permet de savoir qu’il a accompli trois missions successives pendant les neuf mois de clandestinité qu’il a passés sur le sol français.
Son objectif initial, celui pour lequel il a été recruté, va consistre à repérer des terrains d’atterrissage et de parachutage pour le compte de la Direction technique des services spéciaux (DTSS), l’unité opérationnelle de la Direction générale des services spéciaux (DGSS). Mais cette mission ne va se poursuivre longtemps. Car Fille-Lambie va avoir du mal à s’intégrer au sein des réseaux mis en place depuis Londres par le bureau des opérations aériennes (BOA) et dirigés pour ce qui concerne la région Ouest (« M ») par Jean-François Clouët des Pesruches (1918-1957), alias « Galilée », alias « Orbite ». Peut-être faut-il voir là l’un des reflets de la sourde lutte qui oppose alors, au sein de la DGSS, les gaullistes « historiques » du BCRA à leurs collègues issus des services spéciaux de l’Armée d’Afrique ?
Toujours est-il qu’en février 1944, Fille-Lambie reçoit donc une seconde mission. Il s’agira cette fois-ci de réorganiser les liaisons internes et externes de l’Organisation de résistance de l’armée (ORA). Décimée par une série d’arrestations, l’ORA a en effet perdu une grande partie de sa capacité de manœuvre en région parisienne et dans une bonne partie de la zone nord. Cette activité va conduire Fille-Lambie à travailler en lien étroit avec le chef de l’ORA, le général Georges Revers (« Rival »), mais aussi avec les adjoints de ce dernier, le général Paul Ely (« Algèbre »), le colonel Henri Zeller (« Faisceau ») et le commandant Gilbert Andrier (« Clochard »), autant d’officiers qui occuperont des places de choix une fois la guerre terminée et dont l’appui lui sera fort utile.
Enfin, à partir de mai 1944, Fille-Lambie va servir d’adjoint à Jean Coste (alias « Limousin », « Châtelain » ou « Toubib »), un colonel de réserve qui a été nommé à la fonction d’inspecteur national des transmissions sous l’autorité de Jacques Chaban-Delmas (« Arc »), le nouveau délégué militaire national (DMN)[12]. Avec l’aide d’Alexandre Dolgopoloff (« Antillais »), Adrien Lévy (« Chevalier ») et Henri Krebs (« Kléber »), Henri Fille-Lambie va s’occuper plus particulièrement de la zone nord, où son rôle consistera à mettre en place un réseau de liaison radio afin d’organiser le ravitaillement aérien des unités FFI.
Placé à la tête d’une vingtaine de personnes (agents de liaison, opérateurs radio, chiffreurs, etc.), Fille-Lambie va devoir se déplacer régulièrement afin de former les opérateurs, régler les questions de trafic, attribuer les pseudonymes et répartir les matériels. A compter du 6 juin 1944, suite à l’annonce du débarquement allié en Normandie, le travail de cette petite équipe connaîtra évidemment un surcroit d’activité mais deviendra aussi de plus en plus dangereux. Le 18 juillet 1944, le principal opérateur radio du réseau « Jean-Michel », le général Henry Michaud, sera d’ailleurs être arrêté par la police allemande[13].
Heureusement la fin est désormais proche. Le 15 août, les Alliés débarquent en Provence et, le 21 août 1944, ils effectuent une percée stratégique sur le front de Normandie. Paris sera prise à peine quatre jours plus tard tandis que les Allemands vont devoir se replier en toute hâte vers le Rhin, où ils parviendront à se réorganiser pendant un temps en s’abritant derrière la ligne Siegfried.
Le territoire national ayant été libéré, Henri Fille-Lambie aurait pu demander à pouvoir rejoindre son arme d’origine mais il a semble-t-il pris goût aux services spéciaux. Sa demande d’intégration ayant été acceptée, il va donc officiellement rejoindre, le 26 octobre 1944, la compagnie des services n°1, l’unité qui sert de couverture aux personnels militaires de la Direction générale des études et recherches (DGER), l’institution qui a succédé à la DGSS. Il ne le sait pas encore mais il va autant marquer cette institution qu’il sera marqué par elle.
Suite : Le colonel Morlanne (II) : l’aventure indochinoise
Notes :
[1] On sait qu’une partie des archives du SA conservées au fort de Noisy a été volontairement détruite en mai 1981 sur l’ordre du commandant de l’unité, le colonel Georges Grillot, à un moment où l’on craignait que le nouveau pouvoir socialiste n’use de ces documents pour régler d’anciens comptes. On ne connaît pas l’ampleur des destructions occasionnées par cette mesure et l’on ne sait pas non plus si une partie des archives détruites concernait l’action du colonel Morlanne, ce qui très probable.
[2] « Revue du génie militaire », tome 12, janvier 1897, Berger-Levrault & Cie, p. 91.
[3] Maurice Pierre Fille-Lambie a fait carrière dans les troupes coloniales, notamment les tirailleurs sénégalais (JO 07/10/1936, p. 10601).
[4] Krugler, Gilles : « La puissance aérienne dans la guerre du Rif. Le colonel Paul Armengaud et l’émergence de l’emploi tactique de l’aviation (1925-1928) », Revue Historique des armées, n°268, 2012, pp. 32-44.
[5] Cf « Liste des auditeurs et élèves réguliers pendant l’année scolaire 1935-1936 », Annuaire de l’Ecole pratique des hautes études, année 1936, p. 95 / Rapport des séances du conseil municipal de Paris, 1er août 1937, Imprimerie municipale – Hôtel de Ville, 1939, p. 58.
[6] Ce qu’il parviendra effectivement à réaliser, tous ceux qui l’ont connu peuvent en témoigner. Il est possible que ses activités au bataillon de Joinville aient amené Morlanne à fréquenter de près le mouvement des Scouts de France et notamment plusieurs de ses futurs collaborateurs, dont Robert Krotoff. Pour le savoir, il faudrait mener une enquête dans les archives du scoutisme, ce que nous n’avons pas pu réaliser jusqu’à présent. Toujours est-il qu’en octobre 1947, Morlanne favorisera l’intégration au sein du 11e Choc de 150 Scouts recrutés à la suite du Jamboree de la paix, ce grand rassemblement scout organisé quelques mois plus tôt à Moisson, près de Mantes-la-Jolie (Aussaresses, 2001, p. 193).
[7] L’armée de l’air française commanda de nombreux appareils entre 1938 et 1940, qu’il s’agisse de chasseurs (MS-406, Potez-630, Dewoitine D-520, Curtiss-H75-Hawk), de bombardiers (Breguet 693, Douglas DB 7) ou encore d’avions d’observation (Bloch MB-174 et 175), mais ces nouveaux avions ne seront pas assez nombreux pour faire la différence pendant la campagne de France.
[8] En tout, près de 13 000 jeunes Français vont passer par Jeunesse et Montagne avant que l’organisation ne soit finalement dissoute sur l’ordre des Allemands en janvier 1944 (beaucoup de ses cadres rejoindront alors les maquis). Après son départ pour le Maroc, c’est un pilote de chasse, le lieutenant Goetz, qui viendra remplacer Fille-Lambie à la tête du Charmant-Som avant que les lieux ne soient finalement abandonnés en juin 1941 (cf site jeunesse-et-montagne.org).
[9] Ce rôle sera ensuite scindé, Alphonse Juin prenant la tête des forces militaires tandis qu’Yves-Charles Châtel deviendra le gouverneur civil de l’Algérie. Le général Charles Noguès continuera de diriger le Maroc et l’amiral Jean-Pierre Esteva la Tunisie.
[10] Lambert, Pierre-Philippe & Le Marec, Gérard : Organisations, mouvements et unités de l’Etat français, Vichy 1940-1944, Grancher, 1992, p. 105 ; « La promesse des chefs de la garde », Le Petit Marocain, 23 avril 1941, p. 2.
[11] Eugene Francis Felangue sera également arrêté peu après et mourra fusillé dans un camp de concentration. Appréhendé après la guerre, Henri Déricourt sera inculpé pour trahison. Il bénéficiera cependant des témoignages favorables de ses responsables britanniques ainsi que de plusieurs résistants, dont Henri Fille-Lambie et François Mitterrand, qui se rendront personnellement dans caserne de Reuilly, où siégeait le tribunal militaire chargé de juger Dericourt en juin 1948 (Maloubier, Robert & Lartéguy, Jean : Triple jeu, l’espion Dericourt, Robert Laffont, 1992, p. 21).
[12] Le docteur Coste avait été nommé à ce poste en remplacement de Tibor Revesz-Long (1902-1976), alias « Créole ». En place depuis le mois d’avril 1943, Revesz-Long fut considéré comme « brûlé », ce qui provoqua son exfiltration vers Londres. Coste s’installera plus tard à Saint-Mandrier et sera proche des premiers nageurs de combat (Maloubier, 1989).
[13] Le général Michaud mourra en déportation à Buchenwald. Après la guerre, Fille-Lambie fera de son mieux pour obtenir que ses agents puissent avoir droit à la reconnaissance de l’Etat.
Crédit photographique : un Lockheed Hudson similaire à celui ayant emmené Morlanne et ses camarades en France occupée en novembre 1943 [Daventry B J (Mr), Royal Air Force official photographer, Public domain, via Wikimedia Commonsg]