Lord Henry Bathurst
{Londres, 22 mai 1762 – idem, 27 juillet 1834}
Secrétaire d’État à la Guerre et aux Colonies de 1812 à 1827, Henry Bathurst fut l’un des politiciens britanniques les plus importants de son époque. Considéré à juste titre comme le principal artisan de la victoire remportée contre Napoléon Bonaparte1, il fut également un remarquable administrateur et c’est sous son mandat que la puissance coloniale britannique s’étendit pour la première fois sur les cinq continents. Contemporain de Lord Byron et de Walter Scott, de Jane Austen et de William Turner, il fut le témoin de changements sociaux majeurs et, bien que fondamentalement conservateur, il sut généralement les accompagner avec intelligence.
. Le lord anglais
Fils aîné du deuxième comte (earl) de Bathurst (1714-1794), Henry Bathurst était l’héritier d’une prestigieuse famille de la haute aristocratie anglaise originaire du Sussex2. Son père, juriste de profession, exerça les fonctions de Lord Chancelier (ministre de la Justice) entre 1771 et 1778. Par sa mère Tryphena (1730-1807), la seconde épouse de lord Bathurst, Henry descendait des Scawen, une riche lignée de commerçants et de banquiers londoniens originaires de Cornouailles. Titré lord Apsley à partir de 1775, Henry Bathurst passa une partie sa jeunesse dans la fameuse Apsley House, la splendide demeure de style néo-classique que son père s’était fait construire dans le quartier londonien de Hyde Park (1771-1778)3. A la belle saison, les siens regagnaient leur country house de Cirencester, une vaste propriété située près de Gloucester qui avait la particularité d’être environnée par l’un des plus beaux jardins d’Angleterre.
Après avoir été d’abord éduqué par son oncle révérend, qui lui servit de précepteur, Henry Bathurst suivit le parcours obligé de tout membre de la nobility et entra ainsi au collège d’Eton (1773-1778), puis au Christ Church College de l’université d’Oxford (1779-1781). Fils de l’un des hommes les plus riches et les plus puissants d’Angleterre, il put fréquenter dès sa prime jeunesse tout ce que l’aristocratie et l’intelligentsia britannique comptaient de brillantes personnalités, dont le grand philosophe David Hume, qui était un hôte régulier du Lord chancelier Bathurst. A Eton, Henry se lia également d’amitié avec les jeunes William Grenville (1759-1834) et Richard Wellesley (1760-1842), qui devaient accomplir plus tard des carrières politiques tout aussi brillantes que la sienne.
Aux dires de ceux qui avaient connu les deux hommes, Henry Bathurst avait hérité l’affabilité et la grande discrétion de son père, bien qu’il fût aussi doté d’un solide sens de l’humour et de l’autodérision. Grand lecteur de Thucydide et de Xénophon, il était également passionné d’art et d’histoire. Alphonse de Chateaubriand, qui le rencontrera plus tard, dira de lui dans les Mémoires d’Outre-tombe qu’il « était instruit et poli », et qu’il « avait gardé la tradition des manières françaises de la bonne compagnie ». En 1781, comme le voulait la coutume pour les jeunes aristocrates anglais, lord Apsley s’embarqua pour le continent afin d’effectuer un « Grand tour » à travers l’Europe. Durant près de deux années, il traversera ainsi successivement l’Allemagne, l’Autriche et la France (mais pas l’Italie), avant de rentrer finalement à Londres en février 17834.
. Le leader Tory
En juillet 1783, à l’âge de vingt et un ans seulement, il succéda à son oncle par alliance, Thomas Whitshed, et entra ainsi à la Chambre des communes en tant que député de Cirencester, un petit bourg qui était le fief traditionnel des Bathurst. Il demeura aux Communes jusqu’à ce que la mort de son père, en août 1794, ne lui permette, en tant que troisième comte Bathurst, de faire son entrée à la Chambre des lords, où il siégera jusqu’à sa mort.
Comme son père avant lui, Henry Bathurst était un partisan convaincu des Tories, le parti conservateur, alors conduit de main de maître par William Pitt « Le Jeune » (1759-1806), qui devait diriger le gouvernement de Sa Très gracieuse Majesté de 1783 à 1801. Henry allait d’ailleurs accomplir la première partie de sa carrière gouvernementale sous la tutelle de ce dernier, par le pouvoir duquel il fut nommé successivement Lord de l’Amirauté (Lord of Admiralty, déc. 1783 – août 1789), Lord du Trésor (Lord of Treasury, août 1789 – juin 1791), vice-président de la Chambre des Affaires indiennes (Commissioner of the Board of Control of India, 1793-1802) et enfin Maître de la Monnaie (Master of the Mint, juillet 1804 – février 1806, mars 1807 – sept. 1812). De 1807 à 1812, lord Bathurst fut également président de la chambre de commerce britannique (President of the Board of Trade, mars 1807 – sept. 1812), un poste où il s’efforça d’organiser le détournement du blocus continental décidé par les Français dans le but d’affaiblir l’Angleterre. En octobre 1809, à la faveur d’un remaniement ministériel, il prit brièvement la tête du secrétariat d’État aux Affaires étrangères, mais ne put se maintenir à ce poste stratégique que durant deux mois seulement.
Comme tous les Tories, et comme une immense majorité d’Anglais, Henry Bathurst était par nature très hostile à la puissance française, qu’il percevait comme une sérieuse menace pour les intérêts britanniques. Le déclenchement de la Révolution en 1789, puis le début de la guerre continentale trois ans plus tard, ne firent que confirmer ces inquiétudes. Dès qu’il parvint à occuper des postes de responsabilités, Bathurst fit donc de son mieux pour établir puis pour maintenir un étau diplomatique et militaire qui soit aussi serré que possible autour de la France. Son antipathie à l’égard du gouvernement parisien devint encore plus forte encore lorsqu’en novembre 1809, son jeune cousin Benjamin, qui était alors en poste en Allemagne en tant que diplomate, disparut mystérieusement, sans doute éliminé sur l’ordre de Napoléon.
. La Grande guerre (1812-1815)
Le 11 mai 1812, le Premier ministre britannique, lord Perceval, fut assassiné par un déséquilibré. Cet événement sans précédent permit à Henry Bathurst de faire, à cinquante ans, son grand retour aux affaires gouvernementales. Au sein du nouveau cabinet formé par lord Liverpool le 8 juin 1812, il se vit attribuer le poste stratégique de Secrétaire d’État à la Guerre et aux Colonies (Secretary of State for War and the Colonies)5. Comme tous ses collègues, lord Castlereagh aux Affaires étrangères, lord Addington aux Affaires intérieures et lord Melville à la Marine, Bathurst était bien décidé à ne pas céder d’un pouce face à Napoléon, bien que ce dernier fut alors au sommet de sa gloire.
Depuis Westminster, Bathurst fit preuve d’une énergie et d’une détermination exceptionnelle dans la conduite de la guerre menée contre la France. Qu’il s’agisse d’établir les plans de campagne, de planifier le paiement des soldes et des fournitures, de nommer les généraux, de faire transporter les troupes ou bien de payer des espions, tout ce qui avait trait de près ou de loin à l’effort de guerre britannique devait nécessairement passer par lui. Sous sa tutelle ferme et énergique, les contingents anglais présents en Espagne furent renforcés, ce qui leur permit de remporter la grande victoire de Salamanque le 22 juillet 1812.
Le grave échec subi par l’empereur des Français devant Moscou et la désastreuse retraite de ses troupes qui s’ensuivit donnèrent bientôt le signal d’un dramatique retournement de situation. Dès qu’elle fut connue, la nouvelle de la défaite française suscita en effet une immense vague de joie et d’espoir à travers tout le continent européen (décembre 1812). L’Angleterre encouragea bien évidemment ces sentiments. Sous l’égide de Londres, une grande coalition militaire fut montée à la hâte, qui devait permettre de libérer successivement l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et finalement la Hollande (1813-1814). Dans la foulée, le territoire français fut envahi et Napoléon, vaincu et encerclé de toutes parts, dut finalement abdiquer avant d’être conduit vers l’île d’Elbe sous bonne escorte (mars 1814).
Le spectaculaire retour de l’empereur l’année suivante ne sera qu’un feu de paille. La victoire stratégique de Waterloo, remportée en juin 1815 par les Anglo-Prussiens6, puis l’exil définitif de Napoléon sur l’île de Sainte-Hélène, accrurent considérablement le prestige d’Henry Bathurst, qui fut considéré à juste titre comme le principal architecte de la victoire anglaise7. Il fut évidemment confirmé en tant que chef du secrétariat d’État à la Guerre et aux Colonies et le 14 juillet 1817, honneur insigne, il fut gratifié par le régent George (futur George IV) du titre de chevalier l’ordre de la Jarretière.
. La Pax Britannica
Une fois la paix revenue, Bathurst s’opposa vainement à la réduction des effectifs pléthoriques des forces militaires britanniques. Il considérait en effet comme absolument nécessaire de pouvoir conserver une armée de terre digne de ce nom afin de contrer un éventuel retour offensif des Français. Cette réduction ayant finalement été votée pour des raisons d’économie budgétaire en 1818, il décida de se concentrer sur le sort des colonies dont la gestion revenait à son ministère.
Pour l’assister dans sa tâche, Bathurst choisit de s’appuyer sur son vice-secrétaire, le jeune Henry Goulburn (1784-1856), qui devait demeurer à ses côtés jusqu’en 1821, date à laquelle il fut remplacé par Robert John Wilmot-Horton (1784-1841). Sous la tutelle vigilante de Bathurst, les deux hommes réformèrent avec talent l’administration coloniale britannique, introduisant notamment la pratique des recueils statistiques (Blue Books), améliorant le système de communication des directives officielles et divisant l’empire en plusieurs secteurs stratégiques afin d’en améliorer la gestion.
Au cours des presque seize années au cours desquelles il présida aux destinées des colonies de la couronne anglaise, lord Bathurst mena une politique très active en faveur de l’extension de l’empire colonial.
A sa demande, la Compagnie anglaise des Indes orientales poursuivit donc son avancée et parvint ainsi à placer la quasi-totalité de la péninsule indienne sous sa domination après avoir vaincu les derniers royaumes Marathis (1817-1818). Au début des années 1820, les Anglais commencèrent à développer la culture du thé indien, ce qui eut pour effet de briser le monopole chinois sur la production de cette plante très rentable.
Occupées par les Britanniques depuis 1795, l’île de Ceylan, ainsi que la colonie sud-africaine du Cap, furent officiellement cédées à l’Angleterre par la Hollande à l’occasion de la signature du traité de Vienne de 1815. Gouverneur du Cap de 1814 à 1826, Charles Somerset encouragea la colonisation britannique au détriment des colons d’origine hollandaise, les Boers. La ville de Port-Elizabeth fut fondée sur la côte du Natal (1820) et plusieurs guerres menées contre les chefferies Xhosa permirent d’étendre vers l’intérieur des terres la zone d’influence anglaise.
Toujours à l’issue du traité de Vienne, la France entérina de son côté la cession de l’Ile Maurice, des Seychelles, et de plusieurs îles des Antilles riches en sucre, dont Trinidad8.
En 1819, Sir Thomas Raffles (1781-1826) fonda la colonie de Singapour, qui allait devenir la base de départ de la future expansion britannique en Asie du sud-est9.
De juin 1812 à février 1815, la Grande-Bretagne dut affronter la guerre que lui imposa le gouvernement des États-Unis d’Amérique. Ce dernier espérait bien profiter des difficultés rencontrées par l’armée anglaise face à la France pour pouvoir évincer définitivement les Britanniques d’Amérique du Nord. Cependant, et contre toute attente, les forces britanniques parvinrent à repousser leur adversaire. Un raid audacieux mené par la Royal Navy contre Washington (août 1814) força finalement les Américains à accepter un retour au statu quo ante. A la suite de cet affrontement, les défenses du Canada furent considérablement renforcées.
Gouverneur de Nouvelle-Galle du Sud entre 1810 et 1821, Lachlan Macquarie (1762-1824), joua un rôle fondamental dans le développement de cette colonie, considérée jusque-là comme un simple lieu de relégation. Il décida notamment que les bagnards qui avaient achevé leur peine soient réintégrés dans la société au rang qui était le leur avant leur condamnation. Il réforma l’administration locale, qu’il confia aux seuls civils au détriment des militaires, bâtit un véritable système judiciaire local, développa le commerce et l’agriculture, fit construire de nombreux édifices et encouragea l’extension du front pionnier, tout en prônant le maintien de relations pacifiques avec les Aborigènes. Son œuvre admirable lui valut d’être plus tard considéré comme le véritable « Père de l’Australie ».
Dans le cadre de cette politique très audacieuse, Bathurst put s’appuyer sur une Royal Navy sortie considérablement renforcée par sa victoire contre la France. Du fait de l’affaiblissement parallèle de l’Espagne, du Portugal et des Pays-Bas, elle était désormais sans rivale sur toutes les mers du globe. Bathurst travailla en bonne intelligence avec le vicomte de Melville, Robert Dundas, qui commanda la flotte britannique en tant que Premier Lord de l’Amirauté (First Lord of the Admiralty) de 1812 à 1827. En 1821, l’ingénieur Aaron Manby mit au point le premier navire à vapeur et à coque d’acier. Dès le 22 mai de l’année suivante, le premier navire à vapeur de la Royal Navy, le HMS Comet, sortait des chantiers de Deptford.
Bathurst et Dundas utilisèrent avec habilité la question de l’abolition de la traite des Noirs (votée par le Parlement le 15 mars 1807) dans le but de renforcer la position de l’Angleterre, aussi bien dans l’Atlantique qu’en Méditerranée. En août 1816, voulant en finir avec les déprédations commises par les pirates barbaresques, Londres ordonna ainsi le bombardement du port d’Alger qui fut sévèrement endommagé. Le Royaume-Uni initia également la construction d’une flotte spécialement conçue pour bloquer la traite illégale, la West Africa Squadron, qui devait se signaler par sa grande efficacité10. En quelques années, plusieurs ports furent construits le long des côtes africaines afin de d’enrayer le commerce d’êtres humains à destination des colonies britanniques11.
. Les défis de l’époque géorgienne
Longtemps contenue par la poursuite de la guerre contre la France, la question sociale ressurgit avec force après 1815. Car la société britannique connaissait alors des changements considérables. Les anglicans devaient notamment faire face à une opposition de plus en plus résolue de la part des catholiques qui, regroupés derrière la grande figure de Daniel O’Connell, étaient bien décidés à obtenir l’égalité juridique et la fin de toutes les marques d’infamie qui pesaient encore sur eux. La révolution industrielle battait son plein, provoquant au passage son lot de tensions et de crises, comme vint notamment le démontrer l’irruption du mouvement luddite, du nom de ces ouvriers du textile qui avaient entrepris de saboter les machines-outils qu’ils accusaient de leur voler leur travail (1811-1817). Longtemps dominée par l’aristocratie terrienne et la bourgeoisie marchande, la classe politique britannique devait aussi affronter le développement des nouvelles élites enrichies par le développement industriel. Dans les usines, les ouvriers se montraient bien décidés à obtenir l’amélioration de leurs très pénibles conditions de travail.
Face à toutes ces questions, le gouvernement de lord Liverpool fit souvent preuve d’un extrême conservatisme. Instruit par l’exemple funeste de la Révolution française, il craignait par dessus tout les effets des mouvements sociaux qui lui paraissaient vouloir menacer l’ordre social et institutionnel. C’est ainsi qu’il n’hésita pas à faire tirer sur les ouvriers protestataires de Manchester le 16 août 181912. Il fit également suspendre l’Habeas Corpus durant deux années (1817-1819) et promulgua en 1822 la législation très répressive dite des Six Acts, qui restreignit assez fortement les libertés civiles des citoyens anglais, en particulier le droit de réunion. La même politique de fermeté fut appliquée en Irlande pour combattre tous ceux qui réclamaient des réformes politiques et une plus grande autonomie. En 1815, les fameuses Corn Laws destinées à protéger les producteurs britanniques de céréales, marquèrent le retour en force du protectionnisme face aux partisans du libre-échange.
Cette vision très conservatrice imprima également sa marque dans la politique extérieure du Royaume-Uni. Sur le continent européen, le puissant secrétaire aux Affaires étrangères, lord Castlereagh (1769-1822), soutint ainsi de son mieux – mais sans y adhérer officiellement – la « Sainte-Alliance » mise en place par le chancelier autrichien Metternich et le tsar Nicolas Ier dans le but de contrer la propagation des idées progressistes. En 1823, lorsque le roi d’Espagne faillit être renversé par une révolution libérale, l’Angleterre accepta que la France envoie des troupes sur place afin de rétablir l’ordre monarchique. En revanche, le Foreign Office décida prudemment de ne pas intervenir pour s’opposer à l’indépendance des colonies espagnoles d’Amérique latine (1810-1825).
. Une retraite progressive
Le 9 avril 1827, la démission pour raisons de santé de lord Liverpool, entraîna celle de tout son cabinet, et donc la fin du long ministériat de Bathurst. Dès le mois de janvier 1828 cependant, le duc de Wellington, une fois devenu Premier ministre, choisit de nommer son vieux camarade au poste prestigieux – mais largement honorifique – de Lord Président du Conseil, qui donnait à son titulaire le droit de présider les réunions du conseil privé de Sa Majesté.
Malgré son légendaire conservatisme et son attachement aux droits de l’Église anglicane, Henry Bathurst n’hésita pas à se prononcer favorablement sur la question de l’émancipation des catholiques (Catholic Relief Act, avril 1829). Il se montra en revanche un adversaire convaincu des projets de réformes électorales qui devaient finalement aboutirent à la loi de 1832 (Parliamentary Reform Act), un texte qui allait mettre fin en partie au fameux système des « bourgs pourris »13 dont il avait lui-même grandement bénéficié jadis.

Le 22 novembre 1830, le duc de Wellington fut renversé par les chambres et remplacé par Charles Grey au poste de Premier ministre. Par la suite, lord Bathurst n’occupa plus de fonctions officielles mais continua cependant d’intervenir régulièrement à la chambre des Lords où il prononça son dernier discours le 18 février 183314.
Lui qui avait été élevé dans les fastes surannés du 18ème siècle immortalisés par les peintres Joshua Reynolds et Thomas Gainsborough, sentait bien qu’il était peu à peu devenu la relique d’un monde à présent révolu à l’heure où l’on venait d’inaugurer la première ligne de chemin de fer entre Manchester et Liverpool (1830). Affaibli par les séquelles de l’âge et attristé par le récent décès de l’un de ses fils, lord Bathurst mourut en 1834, à l’âge de soixante-douze ans, dans sa propriété londonienne d’Arlington Street. Son corps fut transporté pour être inhumé dans l’église de Cirencester, où une foule nombreuse vint lui présenter ses derniers hommages.
Son manque d’éloquence, ainsi que sa discrétion naturelle, ne permirent pas à lord Bathurst de gagner la place qu’il aurait mérité d’occuper dans la mémoire anglaise. Son œuvre politique et administrative n’en est pas moins remarquable à plus d’un titre. Ses archives publiques, conservées à la British Library, représentent ainsi pas moins de quatre vingt volumes de notes et de correspondances !
Le 1er avril 1789, lord Bathurst avait épousé Georgiana Lennox (1765-1841), fille du général George Henry Lennox (m. 1805), l’un des grands héros de la guerre de Sept Ans. Ils eurent ensemble quatre fils et deux filles. De ces enfants sont issus les actuels comtes de Bathurst, qui s’illustrèrent aux 19ème et 20ème siècles en menant de prestigieuses carrières politiques ou militaires.
Sources :
. Thompson, Neville : Earl Bathurst and the British Empire, Leo Cooper, London, 1999.
. L’ensemble des interventions publiques de lord Bathurst à la chambre des Lords sont disponibles sur ce site
Notes :
1 Dans son Mémorial de Sainte-Hélène, ce dernier lui témoignera d’ailleurs une hostilité tenace, n’hésitant pas à le traiter de « dogue anglais ».
2 Son grand-père, Allen Bathurst (1684-1775), avait été élevé au titre de baron Bathurst et de pair du royaume en 1712 par la reine Anne Stuart avant d’être gratifié du titre de comte Bathurst par le roi Georges III en août 1772. Il avait été l’un des leaders de l’opposition Tory à Robert Walpoole à l’époque des premiers souverains de la maison de Hanovre. Il fut également très lié à l’intelligentsia de son temps, en particulier à Jonathan Swift et Alexander Pope. Quant à l’arrière-grand-père, Benjamin Bathurst (1638-1704), il avait dirigé la Compagnie des Indes orientales au moment de la Glorieuse révolution de 1688-1689.
3 Rachetée aux Bathurst par les Wellesley en 1807, cette maison devint celle du duc de Wellington. Elle existe toujours mais a désormais été transformée en musée.
4 Hormis un séjour en Écosse, lord Bathurst ne devait jamais plus quitter l’Angleterre par la suite.
5 Créé en 1801, le poste de secrétaire d’État à la Guerre et aux Colonies continuera d’exister jusqu’en 1854, date à laquelle il sera finalement scindé en deux. Aucun de ses différents titulaires ne parvint à conserver ce portefeuille aussi longtemps que lord Bathurst.
6 Célèbre bataille où son fils cadet, Thomas Bathurst, combattit en personne sous les ordres de Wellington.
7 C’est lui qui obtint de faire envoyer Napoléon à Sainte-Hélène et c’est encore lui qui choisit l’inflexible Hudson Lowe pour être son garde-chiourme. Chaque année, lorsque l’armée britannique célébrait en grande pompe la victoire de Waterloo, lord Bathurst était le seul civil invité aux cérémonies.
8 Le traité de Vienne entérina également l’attribution aux Britanniques des îles Ioniennes, de Malte et de la Guyane britannique. Les Français purent cependant récupérer l’île Bourbon (La Réunion), tandis que les Néerlandais obtinrent le droit de se réimplanter à Java et aux Molluques.
9 Sept ans plus tard, en 1826, Singapour, Penang et Malacca furent réunis au sein de « L’Établissement des détroits » (Straits Settlements).
10 De 1807 à 1870, date de sa dissolution, le West Africa Squadron captura près de deux mille navires négriers et libéra près de cent-cinquante-mille esclaves. La plupart d’entre eux furent débarqués à Freetown, capitale de l’Afrique occidentale britannique.
11 L’un de ces forts, bâti en 1816 sur la côte ouest-africaine, reçut le nom de Bathurst. Devenu la capitale de la Gambie indépendante, Bathurst fut renommée Banjul en 1973. Plusieurs autres villes de l’Empire britannique portèrent également le nom du ministre des Colonies ; au Nouveau-Brunswick (Canada), en Nouvelle Galle du Sud (Australie) et dans la province sud-africaine du Cap Oriental. Il faudra cependant attendre le 1er août 1834 pour que l’esclavage soit officiellement aboli dans toutes les colonies britanniques.
12 La répression de cette manifestation, surnommée le « massacre de Peterloo » en référence ironique à la bataille de Waterloo, fit quinze morts et plusieurs centaines de blessés. L’année suivante, un complot républicain fut organisé (Cato Street Conspiracy) dont les auteurs furent arrêtés avant de pouvoir passer à l’action. Cinq d’entre eux furent pendus puis décapités le 1er mai 1820.
13 On appelait « bourg pourri » (rotten borrough) certaines circonscriptions électorales qui, bien qu’elles ne comptassent qu’une poignée d’électeurs, avaient néanmoins la possibilité d’envoyer un ou plusieurs députés au Parlement. Dunwich dans le Suffolk par exemple ne comptait qu’un seul électeur tandis qu’Old Sarum dans le Wiltshire n’en avait que sept. Dès lors il était facile pour de riches candidats d’acheter leurs voix et de remporter leurs sièges à coup sûr. Très conservatrice, la carte électorale britannique n’avait en effet jamais été modifiée depuis le 14ème siècle. Et c’est ainsi que de grandes villes comme Birmingham ou Manchester n’avaient aucun représentant au parlement.
14 Au total, lord Bathurst interviendra cent-quarante-quatre fois à la chambre des Lords entre 1807 et 1833. Parmi ces prises de parole les plus célèbres on retrouve notamment celle où il encouragea le Parlement à s’opposer par tous les moyens à Napoléon alors que ce dernier s’était enfui de l’île d’Elbe (12 avril 1815), ou encore celle où il contesta fermement les affirmations de son collègue, lord Holland, qui l’accusait de faire preuve d’inhumanité à l’égard de l’ex-empereur des Français (18 mars 1817).
15 Henry George (1790-1878), William Lenox (1791-1878), Louisa Georgina (1792-1874), Peter George Allen (1794-1796), Seymour Thomas (1795-1834), Emily Charlotte (1798-1877), Rev Charles (1802-1842).
Crédit photographique :
. Image de présentation : portrait de Henry Bathurst, par Thomas Lawrence (détail)
. Image 1 : La chambre des Lords en 1823, par Sir George Hayter (By See description [Public domain], via Wikimedia Commons).